Quand je vous disais , il y a peu , que le Québec possédait tout : talents ,idées , esprit d'initiative etc.... Qualités que nous perdons peu à peu ici , englués dans mos soucis et incapables de nous projeter dans le futur !
« La différence entre le journalisme et la littérature , selon Oscar Wilde, c'est que le journalisme est illisible et que la littérature n'est pas lue.» Tous les vingt ans, ce journal se met en tête d'inverser les termes de la formule en invitant des écrivains à remplacer les journalistes. C'est le «Roman d'un jour» de jeudi dernier ( Libération du 22 mars). A peine avait-on refermé ce joli volume qu'il n'y avait plus rue Béranger que champ de ruines et cendriers pleins : il faudra bien vingt ans pour s'en remettre.
Pendant ce temps, au Canada, l'université Concordia recrute des étudiants pour un nouveau cursus : une maîtrise en «littératures francophones et résonances médiatiques». Nous l'écrivons comme nous l'avons lu. Ce programme est censé préparer aux «professions de l'écrit». Non, il ne s'agit pas d'une formation en alternance, genre un coup chez Gallimard, un coup chez Libé . C'est plus compliqué. Les initiateurs de cet enseignement sont partis du principe qu'il était «impossible d'étudier le fait littéraire sans réfléchir aux dynamiques médiatiques qui le traversent». Dynamiques médiatiques ? Prenons un exemple. Une vraie étudiante bûche actuellement ce vrai sujet de mémoire : «Texte et musique dans le Journal d'Henriette Dessaulles, une disposition en abîme de type fractal». Fractal ? Abîme ? Henriette ?
Henriette Dessaulles naît le 6 février 1860 dans une famille de notables de Saint-Hyacinthe, capitale agroalimentaire du Québec. Adolescente, elle rédige un journal intime, qui ne sera publié qu'en 1971. Dans son ouvrage Livres et auteurs québécois, Roger Le Moine se permet d'être catégorique : «Ce Journal se place au tout premier rang de la production littéraire de l'époque, aux côtés du Discours de Papineau à l'Institut canadien en 1867.» Mettons qu'on puisse voir là le début d'une dynamique médiatique. Le 17 décembre 1867, Louis Joseph Papineau prononçait devant l'Institut canadien un discours qui débutait par cette déclaration : «Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, vous me croirez, je l'espère, si je vous dis : j'aime mon pays.» Et ce n'étaient pas des mots en l'air, puisque Papineau précisait : «L'ai-je aimé sagement, l'ai-je aimé follement ? Au dehors, les opinions peuvent être partagées. Néanmoins, mon coeur puis ma tête consciencieusement consultés, je crois pouvoir décider que je l'ai aimé comme il doit être aimé.» Dans le domaine littéraire, c'est ce qui se rapproche le plus d'une fractale (en maths : courbe irrégulière qui fait de jolis motifs pour papiers peints).
A l'université Concordia, une maîtrise en «littératures francophones et résonances médiatiques» réclame deux ans de travail et «un minimum de 45 crédits» . C'est une entreprise éprouvante, on l'imagine. Mais viendra bientôt le moment béni du stage en entreprise : c'est alors que s'écrira un nouveau «Roman d'un jour».
Liberation .fr
mardi 3 avril 2007
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