jeudi 26 avril 2007

L'horreur alimentaire en images


De quoi se poser des questions , nous les " nantis" qui mangeons à notre faim ou plus qu'à notre faim !Nos revues sont basées sur les régimes alimentaires pour perdre ces kilos si durement gagnés en dévorant tout sur notre passage !J'en sais quelque chose :je fais partie de ceux-là !



L'horreur alimentaire en images
CAROLINE DE MALET.
Un documentaire édifiant sur les aberrations du système agroalimentaire planétaire
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LES PREMIÈRES images sont chocs : des tonnes de pains entiers déversés par une benne à ordure. Suit un sous-titre : « Chaque jour, la quantité de pain qu'on jette à Vienne pourrait nourrir la deuxième ville d'Autriche, Graz. »


Ce n'est qu'un début. Suit une vue d'hélicoptère sur les serres d'Almeria, dans le sud de l'Espagne, le plus grand verger d'Europe : 25 000 hectares où l'on fait pousser depuis cinquante ans des tomates irriguées artificiellement et vendues à des prix cassés, qui provoquent des pénuries d'eau dans la région.
En une heure et demi, le documentaire We Feed the World produit par l'Autrichien Erwin Wagenhofer, qui sort aujourd'hui dans cinquante salles, dénonce les ravages de l'exploitation intensive des terres. De l'Amazonie à l'océan Atlantique, en passant par la Roumanie, le film, tourné dans six pays, est une succession de témoignages marquants qui mettent chacun le doigt sur une des dimensions du sujet. Avare de commentaires, il se contente de filmer des faits bruts et de donner la parole aux principaux acteurs de ce secteur, pêcheurs, agriculteurs ou industriels. Le tout est révélateur d'une logique économique dans laquelle la nourriture est un bien industriel comme un autre, sans tenir compte de sa dimension sociale ou écologique.

«Tout enfant qui meurt de faim est, en réalité, assassiné»
De quoi soulever bien des questions. Pourquoi des pans entiers de la forêt amazonienne - 350 000 hectares - ont-ils disparu pour y cultiver du soja qui nourrit le cheptel européen, alors qu'un quart de la population de ces pays souffre de malnutrition chronique ? Avons-nous besoin de manger des fraises à Noël ? Ou de faire parcourir 3 000 kilomètres aux tomates que nous achetons dans nos supermarchés ? Sur le plus grand marché d'Afrique de l'Ouest, à Dakar, les légumes européens sont vendus au tiers du prix local...

Le réalisateur, connu pour ses documentaires engagés, qui signe là son huitième long-métrage, le présente comme « un film sur la pauvreté au coeur de la richesse ». Le témoignage de Jean Ziegler, rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l'ONU pour le droit à l'alimentation, qui émet les seuls commentaires, est déterminant. « Étant donné l'état actuel de l'agriculture dans le monde, on sait qu'elle pourrait nourrir 12 millions d'individus sans difficulté. Pour le dire autrement : tout enfant qui meurt actuellement de faim est, en réalité, assassiné. »


Jean Ziegler est lui-même l'auteur d'un ouvrage publié en 2005, L'Empire de la honte, qui dénonce la mise au pas des pays du Sud par les grandes sociétés multinationales. Le film, sous-titré « Le Marché de la faim », s'achève sur une interview de Peter Brabeck, PDG de Nestlé, la plus grande multinationale du secteur, qui se félicite de « ce que nous mangeons n'a jamais été aussi bon, nous n'avons jamais été aussi riches » et s'extasie devant une des usines japonaises du groupe, presque entièrement automatisée.



Le film sort en salle moins d'un mois après un autre documentaire consacré au même sujet, Notre Pain quotidien, réalisé par l'Autrichien Nikolaus Geyrhalter. Totalement muet, ce dernier se contente de montrer des images. Choc assuré. Plusieurs livres qui sortent en librairie ces jours-ci apportent également leur voix au chapitre aux côtés du livre du film, Le Marché de la faim édité par Actes Sud : Terres d'avenir, préfacé par Edgar Morin, « sur les ravages de l'agriculture comme de l'élevage industriels », ou L'Arme alimentaire de Christian Pèes, qui propose une troisième voie entre ultralibéralisme et altermondialisme.

We Feed the World Documentaire d'Erwin Wagenhofer. Durée : 1 h 36mn

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