Boudi ! Ne sommes-nous pas les premiers à nous offusquer des méthodes outrancières américaines à Guantanamo? Y'a vraiment des moments où j'ai envie de cacher mon drapeau tricolore au fond d'une armoire !!!
Clandestins : Un médecin dans l’antichambre de RoissyLe 29/01/2007 à 0 h 00 - par Skander Houidi
« Défense de soigner pendant les expulsions* », le livre du Dr Philippe Taugourdeau est le cri salutaire d’un médecin, en poste dans la « prison-hôtel » de l’aéroport de Roissy, qui dénonce les conditions de prise en charge médicale des clandestins.
ZAPI 3 ou « Zone d’accueil des personnes en instance n°3 », c’est l’euphémisme qui désigne dans le jargon juridique le lieu de rétention, la « prison-hôtel », de l’aéroport de Roissy où transitent chaque année des milliers d’étrangers en situation irrégulière, appelés pudiquement INAD (Individus non admis).
Inaugurée en 2001, la ZAPI 3 accueille 95% de ces « prisonniers cosmopolites » (15 000 personnes en 2005) interpellés à leur entrée sur le territoire. En 2002, suite à plusieurs témoignages démontrant le déficit des soins médicaux prodigués aux clandestins, Nicolas Sarkozy décide d’y installer une infirmerie, « pompeusement appelée unité médicale » ; un an plus tard, c’est au tour de la Croix rouge d’établir sa permanence. Pendant le premier semestre 2005, Philippe Taugourdeau fait partie des trois ou quatre médecins affectés dans ce no man’s land. Il nous dévoile « quelques pots aux roses » :
Le manque criant de matériel tout d’abord : lors d’une consultation gynécologique, les étriers de la table d’examen sont rouillés, les speculums sont absents, les traitements indiqués manquent. Il faut deux ou trois jours avant que la demande de médicaments, faxée à l’hôpital pourtant distant de 15 km, soit honorée. En attendant, le paracétamol détient la palme de la prescription quotidienne, que ce soit pour un kyste au sein ou une inflammation du tympan. Une situation que résume cyniquement le Dr Taugourdeau : « L’unité comporte un peu de matériel médical, plutôt moins que dans un dispensaire de brousse ».
La mauvaise volonté du personnel soignant ensuite : les prises de sang ne sont pas effectuées, car sinon il faudrait se rendre à l’hôpital – toujours le même, à 15 km – pour les faire analyser ; ainsi que les jeux de pouvoir entre médecins et infirmières, ces dernières « fliquant » les premiers.
Puis, l’auteur s’intéresse au rôle de la police aux frontières (PAF). Ses consignes pour éviter les bavures sont très précises. Sauf que le docteur s’interroge sur les marques décelées sur le corps et les témoignages de certains INAD de retour au centre après qu’un commandant de bord a refusé de les embarquer pour les expulser. Il évoque ensuite les liens entre la PAF et le personnel soignant. « Les actions des médecins ne doivent pas tendre à modifier les procédures administratives » : selon Philippe Taugourdeau, cette phrase sortie de la convention de la DDASS 93 pour définir les relations entre l’Etat et l’hôpital, ouvre la voie aux pressions et aux certificats de complaisance afin de « respecter les plannings de vol ». D’ailleurs, en ce qui concerne les INAD, « s’ils sont arrivés jusqu’ici, ils peuvent bien reprendre l’avion dans le même état », se voit répondre un jour le docteur par un membre de la PAF…
A force de souligner les dysfonctionnements qu’il observe chaque jour, le Dr Taugourdeau devient la bête noire de sa hiérarchie et de la PAF. Son contrat non renouvelé, il sera « expulsé à (son) tour », comme il le dit.
Face à une situation aux contours absurdes et scandaleux, ce docteur-courage met les pouvoirs publics devant leurs responsabilités : « Mon seul but – en tant que médecin, citoyen, électeur, et aussi contribuable – est de mettre à jour un système qui aboutit à une gabegie financière, à un déshonneur de la médecine, et à un gâchis humain ».
* Flammarion, janvier 2006, 20 €
mercredi 14 mars 2007
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