mercredi 18 avril 2007

Expo à Marseille:les trésors du quotidien

Pour sa première exposition dans le fort Saint-Jean, le Musée de civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, dont la construction pourrait s'achever en 2010, a choisi de nous faire réfléchir sur les « trésors » de la vie quotidienne.

TROIS noyaux de cerise dans un flacon ? Ce n'est pas une plaisanterie, c'est la trace d'une tradition vivace en Bretagne au XIXe siècle. Chantonnant « Pépin par-ci, pépin par-là », la jeune fille à marier propulsait un noyau vers ses prétendants, laissant ainsi au hasard le soin de décider de son avenir. Ces trois pépins, pour celles qui ont ainsi été mariées, constituaient un « trésor », plus précieux peut-être qu'un bijou.
À travers 325 de ces menus objets, modestes ou exceptionnels, chacun apportant une réponse différente à un besoin universel et commun, Michel Colardelle, directeur du Musée de civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (le Mucem, dont l'ouverture complète est envisagée en 2010), a voulu nous introduire à l'esprit de ce que sera la nouvelle institution, addition des objets de feu le Musée des arts et traditions populaires (ATP), des collections européennes du Musée de l'homme et de collectes contemporaines, soit au total un million de pièces...

L'hommage à Georges Henri Rivière, fondateur des ATP, ne se limite pas au fait d'avoir donné son nom au bâtiment qui abritera les expositions temporaires. Michel Colardelle, en élargissant le concept au monde contemporain et urbain et en privilégiant la thématique à la géographie (l'objet utile, l'objet qui distingue, l'objet qui transmet), en égayant une muséographie très austère, est resté malgré tout profondément fidèle au maître. Ou plus exactement à ce qu'aurait souhaité ce dernier s'il avait vécu plus longtemps. « Nous avons voulu, a-t-il dit, montrer ce que sont les objets d'un musée de société, qui n'est ni un musée d'ethnographie, ni un musée d'histoire, mais un musée qui réfléchit sur les objets qui nous entourent, qui nous rapprochent et nous différencient, qui nous transmettent subrepticement la mémoire de notre culture pour que nous accédions au statut d'individus sociaux. »
Dans le bâtiment « H », ancien mess des officiers, un édifice XIXe où les murs, volontairement, n'ont pas été repeints, griffés, meurtris par la suppression d'un niveau, mais rajeunis par des estrades et des vitrines d'un orangé vif, le visiteur est accueilli par un chant gascon, triste mélopée... de mariage, exposant à la future mariée le triste sort qui sera le sien. « Cette langue nous est incompréhensible, mais elle était jadis un élément d'appartenance à un groupe. Appartenance-exclusion. Relations hommes-femmes. Cette introduction résume ce que nous avons voulu montrer. »

Le trésor de la transmission :
Premier « trésor », l'outil, parce que l'outil, c'est le travail. Vous verrez notamment une série de coffres, symbole de la richesse que l'on conserve, un syrien, incrusté de nacre, un autre peint, polonais, et deux sculptés de Kabylie et de Provence. Universalité-différence.

Le deuxième trésor du quotidien est l'objet qui nous distingue.
Une série de costumes, allant du noeud protestataire de la coiffe de l'Alsacienne à la robe de Miss France 1977, en passant par diverses tenues de mariées de toute l'Europe et l'Afrique du Nord. À noter qu'en tous lieux on a caché les cheveux des fiancées. La fête, désordre licite, est magnifiquement illustrée par un incroyable gâteau de mariage hongrois, d'un kitsch invraisemblable, par un caparaçon de cheval des fêtes arlésiennes. Toutes ces fêtes ont en commun de casser provisoirement l'ordre social, pour évacuer le trop-plein de frustrations du peuple, afin de lui rendre ensuite toute sa rigueur.

Le troisième trésor est la transmission.
Transmission religieuse d'abord : juifs, chrétiens et musulmans, tableaux peints sur verre ou sur bois, lampes, objets liturgiques font de cette vitrine une véritable icono­stase, harmonieuse, des trois religions du Livre. Transmission par le jeu aussi : la petite fille qui apprend à devenir femme avec des poupées alors qu'on donne au garçon des armes et des machines. Transmission par le souvenir : la petite robe noire d'Édith Piaf, l'éventail en plumes de Mistinguett voisinent avec des ex-voto.

Mais l'exposition se veut aussi provocatrice : un chapeau de garde civil espagnol des années 1950, les pires années de répression franquiste, la selle damasquinée offerte en 1830 par le dey d'Alger aux Français en signe de soumission, une image d'Épinal d'une rare violence, montrant le jeu marocain de Barka-Ouella-Harka, où les gentils Français tuent les méchants Arabes. Trésors sans doute pour les uns, horreur ou honte pour les autres. En tout cas, objets qui servent à penser le monde et à remettre en question nos certitudes.

- Jusqu'au 24 septembre « Trésors du quotidien ? Europe et Méditerranée » au Mucem, fort Saint-Jean, Espace Georges-Henri-Rivière. Vieux Port. 13002 Marseille. Tél. : 04 96 13 80 90. www.musee-europemediterranee.org

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci d'avoir repris les informations sur l'exposition Trésors du quotidien qui se déroule dans le fort Saint-Jean.
Il existe un site web de l'exposition qui mérite d'être lui aussi visité !

http://www.mucem.eu/

On peut notamment y voir des films, on peut écouter l'audioguide et retrouver les visiteurs qui ont accepté d'être filmés et qui donnent leur avis sur l'exposition.

JPD