mercredi 16 mai 2007

Le développement durable et la mode





Le développement durable inspire la démarche de certains stylistes

Lancer un produit de mode en délocalisant les emplois ? Est-ce cohérent quand on vit dans une région avec deux cents ans d'histoire textile ?" Le chapiteau de bois qui abrite la troisième édition du Marché éthique, dimanche 13 mai, porte de La Villette, à Paris, crisse sous les assauts du vent, mais une tempête ne saurait avoir raison des accents passionnés de la Lilloise Sira Keita, 27 ans, styliste formée à l'Ecole supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod) de Roubaix (Nord) et jeune chef d'entreprise.



Des vêtements biologiques "made in France" : telle est l'ambition de sa marque Poulpiche, fondée en janvier. Sa collection de tee-shirts, de robes, de sweats est, depuis ce printemps, en vente sur Internet (35 euros environ le débardeur), mais cela fait trois ans que Sira Keita travaille d'arrache-pied pour imposer son projet. Le temps de convaincre, notamment, des acteurs de l'industrie locale de s'intéresser à son marché de "niche" et de suivre sa démarche singulière.



"Certains de nos interlocuteurs ont été surpris par notre cahier des charges : il n'est pas question, par exemple, après l'ennoblissement du tissu, d'utiliser des apprêts chimiques qui permettent des lavages à haute température. Je préfère conseiller à mes clientes un lavage à 40 oC et ne pas polluer l'environnement", explique Sira Keita.



Désormais, le textile biologique couleur crème, importé de Turquie, suit un parcours de quelques kilomètres, de Caudry (Nord) où il est teint jusqu'à Saint-Quentin (Aisne) où il est sérigraphié, en passant par Arques (Pas-de-Calais) où se trouve l'atelier de confection. Sira Keita fait ainsi fabriquer des séries de 200 pièces et aimerait bien contribuer un peu à ce que "l'on se réapproprie une culture textile dans le pays". Elle fourmille de projets, comme d'utiliser des plantes de la région, tels le chanvre et le lin.



A Clamart (Hauts-de-Seine), près de Paris, les préoccupations de Sophie Young ne sont pas différentes. Cette architecte de 37 ans s'est reconvertie il y a peu dans les dessous chics réalisés en microfibre de pin. Elle a baptisé son entreprise, lancée en 2005, du nom de g = 9.8 (symbole de l'apesanteur terrestre). Ce printemps, Sophie Young a décidé de confier la fabrication de sa lingerie à un atelier de Montilliers (Maine-et-Loire), un village près d'Angers. "Cette fabrication française est plus onéreuse, souligne-t-elle. Mon choix n'est pas économique, mais il va contre l'absurdité : celle de faire parcourir des milliers de kilomètres à mes vêtements, ce qui augmente les gaz à effet de serre."



Sophie Young défie aussi les lois de la mode. Ses dessous sexy qui se veulent "intemporels", grâce à leur découpe très architecturée. "Je ne vais pas jeter mes collections tous les six mois", précise-t-elle. Et la fabrication est faite à contre-saison, quand les trente-deux petites mains d'Angers ont moins de commandes à honorer.
Ainsi le soutien-gorge pour elle ou le boxer pour lui (vendus respectivement 49 et 25 euros) auront-ils voyagé des environs de Lyon, pour la teinture, à Angers, pour le façonnage, jusqu'à une petite unité de stockage en région parisienne. En attendant, espère Sophie Young, que la matière première cellulosique (issue de branches élaguées de pins blancs américains) puisse venir des forêts landaises.



Sites Internet : http://www.poulpiche.com/ ; http://www.g98.fr/.
Véronique Lorelle

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