vendredi 14 septembre 2007

Sirop d'érable amer

Droits des peuples autochtones: le Canada rechigne
Par Florent Daudens (Journaliste) .rue89


(De Montréal) Le Canada a fait savoir qu’il ne signera pas la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, avant même que l’assemblée générale des nations unies ne l’entérine aujourd’hui (jeudi).

Relents de colonialisme ou frilosité juridique?
Le ministère des Affaires indiennes a clairement affiché la couleur: le pays s’opposera à la déclaration lors du vote.
Ce projet, qui chemine depuis plus de vingt ans dans les méandres de l’organisation internationale, est, pour résumer, une version aborigène de la Déclaration des droits de l’homme. Le texte, qui comporte 46 articles, consacre le droit à l’autodétermination, préconise la restitution des terres spoliées par la colonisation, et protége la culture et le bien-être économique de ces populations.

Plus d’un million d’autochtones vivent au Canada, soit 3,4% de la population. Et malgré une amélioration sensible de leurs conditions de vie au fil des ans, le portrait a de quoi rendre le pays aussi rouge que sa feuille d’érable: la mortalité infantile est deux fois plus élevée que la moyenne nationale, le taux de chômage dépasse les 20%, le revenu est inférieur de 40% à la moyenne de la population canadienne, etc.

Une question de souveraineté
Alors pourquoi refuser l'adoption du texte, quitte à s'isoler au sein de l'ONU? Pour Ghislain Otis, professeur en droit des autochtones à l’Université Laval, ce rejet n'est pas motivé par des raisons économiques, mais plutôt par le risque de voir la souveraineté du Canada entamée:
Le pays avait joué la même partition en 2006, lorsqu’il avait voté contre le projet de Déclaration devant le Conseil des droits de l’homme.
Ottawa jugeait alors que ce texte allait à l’encontre de sa constitution et ouvrait la porte à des demandes exagérées de la part des autochtones. Au coeur des craintes du gouvernement: les "revendications territoriales globales" qui englobent les territoires nordiques et une grande partie des provinces de la Colombie-Britannique et du Québec, en débordant sur d'autres parties du territoire (voir cette carte).

Un an plus tard, le gouvernement campe sur ses positions. Ghislain Otis, directeur scientifique de "Droit, territoire et gouvernance des peuples autochtones" estime que le Canada a des craintes exagérées, puisque le texte onusien n’a pas force de loi :
Ce refus a provoqué la colère des communautés autochtones, qui exhortent le gouvernement fédéral à le signer. A l’occasion de la Journée internationale des populations autochtones, le chef national de l’Assemblée des premières nations, Phil Fontaine, avait déclaré que :
"La réputation du Canada en tant que pays juste et équitable est ternie sur la scène internationale. Il est temps que ce gouvernement et le Canada agissent comme il se doit et appuient la déclaration pour le bien de tous les Canadiens et de tous les Autochtones du monde".
Même son de cloche du côté des associations de défense des droits humains, alors qu’Amnistie internationale invite les Canadiens à signer une pétition adressée au Premier ministre Stephen Harper.

"Il faudrait peut-être qu'on change de gouvernement"
Le contexte politique a aussi joué: le précédent gouvernement était favorable à la Déclaration. Ghislain Otis se demande s'il ne faudrait pas souhaiter l'arrivée d'un nouveau Premier ministre pour changer la donne:
Mince consolation pour le Canada: il ne sera sûrement pas le seul pays à rejeter cette Déclaration. La Russie et la Colombie feront de même, tout comme plusieurs pays africains qui rejettent le principe d’"autochtonité", précise Ghislain Otis. Du même souffle, il ajoute que le refus du Canada résonnera comme un échec pour ceux qui ont travaillé depuis vingt ans sur cette Déclaration, même si celle-ci entrera probablement malgré tout en vigueur.

Lire :
http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=F1ARTF0004498

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