jeudi 27 septembre 2007

Rendre les oeuvres d'art pillées


J'avais évoqué dernièrement le problème de rendre- ou non - les oeuvres d'art pillées . Voilà une réponse à cette question !


On s'y rend de Cuzco par un petit train brinquebalant qui serpente dans les Andes à 20 km/h. Machu Picchu, qui s'étend sous un pic rocheux à 2 400 m d'altitude, est la merveille du Pérou, le site inca le plus visité au monde. Sauf que les touristes, jusqu'ici, ne pouvaient en voir que les ruines.
Pour des motifs à ce jour inconnus, les habitants de la "cité sacrée" l'avaient abandonnée peu avant la conquête espagnole de 1532. Après sa découverte, en 1912, une très grande partie des vestiges de leur activité quotidienne avait été envoyée aux Etats-Unis. L'explorateur-archéologue - et futur sénateur américain - Hiram Bingham III, qui avait trouvé son site légendaire, avait aussi fait le ménage.
Il a fallu près de dix ans de négociation pour que leur dépositaire, le département d'archéologie de l'université de Yale, accepte de restituer au Pérou plus de 350 objets en pierre, en métal et en céramique et des milliers de fragments. Depuis le 15 septembre, c'est chose faite, à l'issue d'un accord passé entre l'Etat péruvien et l'université. Celui-ci prévoit la préparation en commun d'une grande exposition itinérante et un soutien financier de l'université (l'une des plus riches des Etats-Unis) pour la construction, d'ici à 2010, d'un musée à Cuzco. La somme, a fait savoir Yale, est "conséquente".
L'université n'a pas toujours fait preuve d'aussi bonnes intentions. Lorsque l'Etat péruvien s'est adressé à elle, Yale a rétorqué que la plupart des objets avaient été restitués au Pérou à la fin des années 1920. Quant aux autres, mis à la disposition de ses chercheurs, elle disait en être "propriétaire".
L'Etat péruvien arguait que ces objets - les plus intéressants sur le plan archéologique - constituaient, au mieux, un "prêt". Il a dû batailler une décennie, menaçant en 2006 de porter l'affaire au tribunal. La direction de l'université a fini par signer cet accord que les deux parties ont présenté comme "un modèle de coopération internationale" en matière de muséologie. Le Pérou, a déclaré le chef de ses négociateurs, Hernan Garrido-Lecca, est parvenu à ses fins : "L'accord confirme qu'il est bien le propriétaire de chacune des pièces" issues de Machu Picchu.
Sylvain Cypel ( lemonde.fr)

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