jeudi 10 mai 2007

Expo "Nouvelle-Irlande, Arts du Pacifique sud"








Les sculptures et les masques de la Nouvelle-Irlande occupent une place à part dans le domaine de l'art dit primitif. Cette production a été remarquée très tôt par les voyageurs puis les ethnologues occidentaux. Avant d'être recherchée par les collectionneurs dès la fin du XIXe siècle et le début du XXe.

En France, ces pièces sont relativement rares. La remarquable exposition du Musée du quai Branly nous donne un nouvel aperçu de cette civilisation mélanésienne, même si les puristes y regretteront l'absence de quelques pièces majeures.

La Nouvelle-Irlande est située au nord-est de la Nouvelle-Guinée. L'île, tout en longueur, ne dépasse pas la superficie d'un département français (470 kilomètres sur une dizaine de large). Elle est en grande partie occupée par des montagnes élevées. On parle dix-huit langues (austronésiennes et papoues) sur ce territoire qui a été occupé par les colonisateurs allemands en 1884, avant d'être confié à l'Australie au lendemain de la première guerre mondiale. La Nouvelle-Irlande fait aujourd'hui partie de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.


Le Français Philippe Peltier et l'Américain Michael Gunn, commissaires de l'exposition, ont longuement exploré les musées allemands (notamment Dresde, Leipzig et Berlin, où l'exposition doit aller ensuite après avoir été montée à Saint Louis, aux Etats-Unis), riches du produit des nombreuses expéditions ethnologiques organisées à l'époque de la colonisation allemande. Les commissaires ont ensuite gagné l'île mélanésienne pour collecter un maximum de témoignages sur les quelque 150 objets retenus.


Ce qui frappe immédiatement dans l'exposition, c'est l'incroyable inventivité qui guide les concepteurs de ces pièces. Avec des bribes de végétaux et trois coquillages, ils élaborent un masque étonnant de vivacité. Avec un tison brûlant, des instruments rudimentaires et un peu de peinture, ils fabriquent une grande sculpture, architecturée comme une dentelle. Bien sûr, cette liberté est encadrée : ces masques, ces statues et ces parures sont liés à des pratiques culturelles, des rituels, d'habitude attachés à des funérailles et au monde des ancêtres.
Les plus connus - les plus recherchés - relèvent du malagan, rituel destiné à clore une période de deuil dans le nord de l'île. A cette occasion, des sculptures très élaborées sont réalisées et brièvement exposées, avant d'être détruites ou vendues après la cérémonie.


Celles qui figurent dans l'exposition du Quai Branly montrent la diversité des inspirations et les différents codes sur lesquels s'appuient les sculpteurs. Ces derniers combinent savamment figures animales (oiseaux, poissons, reptiles) et humaines, avec un brio stupéfiant. Mais leur travail peut aussi être abstrait et le bois délaissé pour la fibre végétale tressée.
Les styles utilisés sont divers et ne recouvrent pas forcément la carte linguistique. "Certaines traditions artistiques ne concernent que quatre ou cinq villages, explique Philippe Peltier. Mais, en Nouvelle-Irlande, les gens passent leur temps à s'échanger ou à se vendre des objets, masques ou parures, voire un culte ou des pas de danse.


En 1909, l'ethnologue allemand Krämer a enregistré une séquence de cérémonies uli dans un village de la côte nord-est. Il a noté que ces rites funéraires uli étaient un culte d'emprunt, car seuls les habitants de quelques villages installés dans les montagnes du centre de l'île savaient sculpter ces figures et détenaient la magie secrète qui leur était associée." Aujourd'hui les figures uli, personnages trapus, à grosse tête, bisexués, sont devenues des icônes parmi les collectionneurs. Le Quai Branly en présente 5 parmi les 255 officiellement recensées dans le monde.
Pour mieux préciser le sens de certains de ces rituels jamais figés, évolutifs, et encore pratiqués en dépit de la christianisation de la plupart des habitants de Nouvelle-Irlande, les commissaires ont intégré dans l'exposition des films récents qui précisent la fonction de ces objets et la manière dont ils sont utilisés.
Reste l'émotion suscitée par cet art qui combine le rêve et l'idée, le monde de l'éphémère, de la légèreté et du vent : formes ajourées, matériaux légers, fugaces, composites, colorés. Que résume l'objet (destiné à favoriser la transe dans certaines danses) qui clôt l'exposition. Il est élaboré avec des soies de porc, quelques coquillages, trois plumes et un bout d'ossement. Une petite merveille.

"Nouvelle-Irlande, Arts du Pacifique sud", Musée du quai Branly, galerie jardin, 37, quai Branly, Paris-7e. Tél. :01-56-61-70-00.

Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 h 30 ; le jeudi jusqu'à 21 h 30. Jusqu'au 8 juillet.
De 6 € à 8,50 €.
Emmanuel de Roux
L’exposition est présentée successivement au :
- Saint Louis Art Museum, du 15 octobre 2006 au 7 janvier 2007
- Musée du quai Branly, du 3 avril 2007 au 8 juillet 2007
- Ethnologisches Museum de Berlin, du 10 août 2007 au 11 novembre 2007.

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