Agrandie et transformée, la maison de Champollion s'ouvre sur la préhistoire pour finir avec l'informatique, en passant par les principaux foyers qui ont vu naître dans le monde le langage écrit et l'alphabet.
« JE couche deux ou trois fois par semaine sur l'inscription de Rosette. Je n'ai jusqu'ici gagné que des maux de tête et 2 ou 3 mots ! » Cet extrait d'une lettre de Jean-François Champollion à son frère, en juin 1814, est une des citations que l'on peut lire dans la première salle du nouveau musée de Figeac qui rend d'abord hommage à son inspirateur.
Dans un cadre tapissé de verre noir percé de fenêtres lumineuses à l'intérieur desquelles apparaissent portraits, brouillons et notes, on prend la mesure de la ténacité de ce savant génial. Car c'est à partir d'une pierre trouvée en 1799 à Rosette, dans le delta du Nil, qui comportait le même texte en grec, en écriture démotique (cursive) égyptienne et en hiéroglyphes, qu'il tâtonna, devina et finit, au bout de vingt ans, par comprendre le mystère de ces étranges petits dessins qui recouvrent tous les monuments pharaoniques.
A l'instar des salles suivantes, cette première pièce, installée dans ce qui fut la maison natale de Champollion, mêle explications sérigraphiées sur les parois de verre laissant voir en transparence la pierre blonde du Quercy, et objets présentés dans des vitrines centrales.
On aurait évidemment aimé y voir la fameuse « Pierre ». Mais le British Museum ne la prête jamais. C'est donc un fac simile qui est présenté. Mais d'autres pièces sont authentiques comme le Livre des Morts d'une musicienne d'Amon, inscrit sur une bandelette de lin de 8 mètres de long, des stèles inscrites et une momie, propriété du musée, dont les bandelettes portent des hiéroglyphes.
L'évolution des mots-signes :
On entre ensuite dans le vif du sujet avec la salle des questionnements où des bornes multimedia dialoguent avec des textes et des signes sérigraphiés. Quand commence l'écriture ? Quelles signalétiques peuvent être qualifiées d'écriture ? Quelle différence y a-t-il entre les systèmes pictographiques, logographiques, syllabiques, consonantiques, alphabétiques ?
Deux salles, fascinantes, sont consacrées aux quatre premières écritures connues du monde : les hiéroglyphes et l'écriture cunéiforme de Mésopotamie, d'abord, apparues à peu près en même temps au IVe millénaire avant notre ère. Le chinois (XVIe siècle av. J.-C.) et le maya (IXe siècle av. J.-C.) ensuite. Dans chacune, pictogrammes, logogrammes et idéogrammes se complètent, chaque mot étant un signe et inversement. On y voit l'évolution des mots-signes à travers le temps, allant d'une représentation figurative vers une abstraction toujours plus grande. La plus complexe demeure le maya, toujours en cours de déchiffrage. Cette langue combine autour d'une racine, un préfixe, un suffixe, un postfixe, un infixe et un superfixe qui confèrent une rare complexité à chaque dessin. Une copie du code d'Hammourabi conservé au Louvre, la plus ancienne tablette gravée en cunéiformes de Sumer, des palettes de scribe, une copie du Codex maya dit « de Paris » et un fac simile de la « stèle de Hauberg » conservée à Princeton, illustrent ces deux salles essentielles.
3 300 cunéiformes, 3 200 hiéroglyphes...
Puis vient la Révolution alphabétique.
Elle se produit à peu près en même temps, il y a 3 000 ans, chez plusieurs peuples du Moyen-Orient et va gagner le monde. Face à 3 300 cunéiformes, 3 200 hiéroglyphes, et 3 000 signes chinois, il suffira désormais de 22 à 30 signes phonétiques pour tout dire, tout écrire. On assiste alors à un foisonnement d'écritures qui deviennent parfois sujet et même objet d'art, comme c'est le cas avec les caractères coufiques ornant de merveilleux plats arabes ou les enluminures des textes sacrés des religions monothéistes.
L'autre révolution sera celle du Livre, suivie de l'imprimerie, du papier et de l'informatique. Illustrées de vidéos et de jeux tactiles, ces inventions nous font entrer dans le monde de la diffusion, avant que le musée ne s'achève par une salle originale. Intitulée « Écriture, pouvoir et citoyen », elle aligne des vitrines à volets qui illustrent quelques unes des fonctions principales de l'écrit : actes de pouvoir, dont le sceau de la Ville de Figeac, un des plus vieux de France daté de 1302, textes administratifs, journaux, manuscrits d'auteurs...
Le musée démarre avec 600 pièces, dont la plupart acquises grâce à une subvention publique de 160 000 eur pendant six ans, ou des prêts, surtout du Louvre et de la BNF. Soixante-dix sont des fac simile. Et certains le sont par choix. «Face au pillage archéologique de l'Amérique latine, explique Mme Pottier, c'est volontairement, pour éviter un néfaste appel d'air, que j'ai fait copier par des artistes chevronnés, les textes et les poteries mayas que je présente.»
Musée des Écritures du Monde, 46 100 Figeac. Tél. : 05 65 50 31 08.
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