jeudi 14 juin 2007

Coup de chapeau au journaliste !


Que voilà une jolie façon d'expliquer que l'artiste a donné 2 coups de pinceau d'un air inspiré puis qu'il a disposé 2 gros cailloux sur le sol ! J'admire ces journalistes capables d'être inspirés à ce point par si peu de matériau ! Leur imaginaire est sans doute assez foisonnant pour prendre le relais de ce minimalisme !:-))


Lee Ufan , ascète de l'extrême

Le Palazzo Palumbo Fossati est un de ces palais vénitiens ténébreux à l'architecture compliquée, où l'on glisse de salle en salle et en corridor sous des plafonds peints, sur des sols vivement colorés, le long de murs décorés de stucs et de glaces. Autrement dit, c'est le genre d'endroit où il peut être plaisant de présenter de l'art ancien ou des oeuvres d'aujourd'hui à condition qu'elles ne refusent ni la figure ni l'ornement.

La peinture de Lee Ufan est d'un ascétisme extrême : quelques larges touches de gris - souvent une seule - posées sur des toiles blanches de grand format, parfois disposées en diptyque ou triptyque. Sa sculpture ne connaît que deux matériaux, des blocs de pierre tirés de torrents ou de moraines et du fer, en plaques rectangulaires ou en tiges. Lee Ufan, né en 1936 en Corée, a été, à partir de 1969, l'un des maîtres du mouvement Mono-Ha au Japon, qui est la version extrême-orientale du minimalisme - une création épurée qui appelle la contemplation et le silence. Ses toiles immaculées marquées d'une forme décentrée sont devenues le symbole même de cette esthétique, qui se place à l'opposé de tout baroque et de toute surcharge.
Qu'il expose dans le Palazzo Palumbo Fossati paraît a priori une contradiction absurde. Et c'est l'inverse qui se produit : une leçon d'intelligence dans le dispositif créé par l'artiste, des harmonies inattendues visuelles et tactiles qui se révèlent, une audace sereine. On le sent dès l'entrée : l'artiste a métamorphosé la petite cour intérieure en jardin de graviers blancs et y a disposé la première de ses sculptures de granit érodé et de fer. L'espace exigu et enfoncé entre des murs et un escalier semble alors s'ouvrir.


Dans les salles, Lee Ufan a fait placer des cimaises blanches en avant des murs, mais il en a déterminé la hauteur de telle façon que moulures et ors demeurent visibles : entre leur surabondance et la sévérité dépouillée de ses peintures, une étrange relation se crée. Si l'exposition se nomme "Resonance", c'est parce qu'une improbable complicité se noue entre l'oeuvre et le lieu. Elle éclate quand l'artiste intervient directement sur le mur, au fond d'une sorte d'alcôve surmontée d'une boiserie découpée et ornée. Le signe aux différents gris réunis en un seul geste en est magnifié.


BRUTALITÉ MINÉRALE
Même dialogue avec les sculptures. Lee Ufan a choisi des granits entre ocre et rose dont les volumes et le grain poli par l'eau jouent avec les sols d'origine. Il les a éclairés selon des angles tels que des fantômes de visages ou de fleurs se projettent à l'entour. Ce sont des pierres non travaillées, des fragments de la nature. Placées à l'intérieur de ces chambres, elles pourraient opposer leur brutalité minérale à l'architecture, de même que les tableaux gris et blanc pourraient opposer leur pureté au décor.
Au lieu de quoi, les unes et les autres apparaissent comme des symboles de la naissance de l'art, comme des appels au surgissement d'un art qui revienne à ses gestes les plus élémentaires pour retrouver l'intensité d'expression universelle qu'il perd quand il tombe dans l'excès de savoir-faire et de complication. Placée au centre de Venise, l'oeuvre prend valeur de démonstration et d'avertissement : elle invite à préférer l'essentiel aux effets de styles et au spectacle. Bien des artistes présents à Venise méditeraient avec profit la leçon de Lee Ufan.


Lee Ufan, "Resonance".

Palazzo Palumbo Fossati, San Marco 2597, Venise.

Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures. Jusqu'au 21 novembre.

Entrée libre.
Philippe Dagen( le monde .fr)



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