mardi 2 janvier 2007

J'aime :une journée d'une instit' de base !


Ce matin, j’ai couru, sur les trottoirs de Bordeaux, après un père d’élève. Léon. Léon, c’est l’élève, pas le père. C’est un petit gitan, comme son père...Le père venait d’ accompagner ses mômes à l’école et repartait vers son Campinge… (Les services municipaux appellent cela une aire de stationnement… ça fait mieux. Ca reste quand même plein de boue ces temps ci.)Donc j’ai choppé le père. Ben oui, Léon venait de me dire qu’il n’irait pas à la piscine. Ca lui était interdit… et pourtant, j’avais reçu tous les parents la semaine dernière, pour leur annoncer la nouvelle activité de la classe. Même que je m’étais battue pour l’obtenir, car pas facile d’obtenir des places pour l’activité piscine… tout le monde veut y aller… quelle idée… !Heureusement, y a Joël, un copain - conseiller pédagogique en sports qui m’avait bien soutenue et obtenu un créneau… pas le meilleur, puisque le bus de la ville nous ramène à l’école 15 minutes après la sortie officielle desclasses. Mais j’avais dit oui. Tous les parents avaient dit oui. Même ceux des gitans. Sauf que ce matin, le père de Léon faisait volte face. Tout comme celui de Kévin… bien fait pour moi…Ce matin, donc, j’ai rattrapé le papa. Je me suis presque faite commerciale vrp et plus si affinités… pour obtenir la participation éventuelle pour un autre jeudi.. tu parles. J’ai du dire oui à tout ses desiderata…y compris celui d’emmener la petite sœur du CP… (ben voyons) . « Tu comprends, me dit le papa, la petite sœur, elle pleure quand elle ne voit plus son frère. Et puis le bus, c’est si dangereux….. ». Je me surprends à ne pas trop répliquer….15h10 : Je suis de surveillance à la récré. Une femme basanée, s’approche du grillage :« Vous êtes la maîtresse de Willy, je vous reconnais…. »Eh zut. Je n’ai aucun Willy dans la classe. Je savais les gitans pas très structurés, mais quand même…« mais si ! qu’elle me dit. Willy c’est son nom au camping. Regardez, le voilà. »Et le môme Kévin de s’approcher. petit sourire aux lèvres. C’est qu’il est coquin celui là. Et charmeur… Et moi, en quelques secondes de me transformer en vrp première classe … histoire de vanter mon heure de piscine… « c’est que son père a peur… le bus c’est dangereux , dit la madame »Je me moque gentiment : « des gens du voyage comme vous ! qui ont peur d’un petit trajet de 10mn… »« oui, mais la piscine, c’est plein d ‘eau… »Réplique imparable… En bon vendeur, je parle des maîtres – nageurs et de leurs compétences universelles, et finis par jurer que j’en prendrai soin comme s’il était mon môme. Je le garderai près de moi. Ne vous en faites pas. Promis- juré Arrive alors le père de Kévin .- « Bonjour m’sieur,, que je lui dis. Venez, venez…. Vous savez, Kévin fait d’énormes progrès ces temps ci. Vous l’avez sûrement remarqué. »-« oui oui ! qu’il répond. Mais il faut lui apprendre à lire….( leitmotive chez les gitans )-« bien sur…. Il travaille très très bien en ce moment…. Il saura bientôt lire ( le môme a 10 ans)…. Et le vrp de continuer en aparté vers la mère : « vous savez, la piscine c’est comme une récompense. Faut pas le priver, sinon il n’apprendra plus »…..Surprise de la mère…. Regard au père. « Mais, il n’a pas de petit short. Lui faut un petit short. Comme ça ça ira mieux qu’elle dit »…Discours vers le père…. Il est grand maintenant.Discours du père : « tu te tiendras bien kévin. Tu obéiras à la maîtresse, pas vrai Madame. Tu n’iras pas fort loin dans l’eau…. pas vrai Madame ? »Et Kévin de sourire et de promettre tout ce qu’on lui demandait.Et moi de penser : « je vais le trouver où ce short ???? pire, ce maillot puisque les shorts sont interdits dans les bassins. »Se pointe enfin le père de Léon. Faut dire que ces gens là viennent surveiller toutes nos récréations.. des fois qu’il y aurait des bagarres….Il se mêle à la conversation qu’il a écoutée.« et le short pour Léon… vous le trouverez aussi ? »« pas de problèmes… » que je réponds…. ( y a qu’à claquer les doigts pour obtenir satisfaction… l’avais je oublié ?).Fin de la récré. Le bus se pointe. Mes deux gamins pour une fois se mettent en rang. Que dis-je ? ils se mettent au premier rang… sans meme penser à se battre…sisiOn arrive à la piscine.Joël nous attend. …. Les maîtres nageurs sont sympas, et accueillent toute ma clique avec le sourire. Timidement, je pose la question d’un maillot éventuellement à prêter. Puis d’un deuxième… ça marche.. je vous dis pas le sourire grandiose des gamins. Ca va même plus loin puisque le personnel leur trouvent également des bonnets ( obligatoires)… n’y a que moi qui n’ai pas le mien. Hic… je ne peux pas tout faire. Pas encore.Et les mômes de passer sous la douche, de filer dans le petit bain, de s’en donner à cœur joie… sauf qu’à la sortie, profitant de mon absence, mes deux loustics de gitans jouent à kung fu… : et Léon de se planter sur les dalles humides du hall, et de se retrouver avec une moitié de dent en moins. Incisive supérieure. Bravo la demi-dent de lapin au milieu de la bouche. Même qu’il crise parce qu’il n’entend pas rentrer au camping sans son autre moitié : logique implacable : « mon père, y va la recoller…. » C’est bien connu, ça se recolle tout seul, ces machins là, avec un peu de Super Glu ou de Uhu…J’enrage. Je me traite de tous les noms. Ou presque… que vais-je vais dire au père ? je maudis Léon de toujours à se bagarrer… On reprend le car, un peu tremblants…Léon se bile. Je le rassure : ce n’est pas trop grave. Le dentiste t’en fera une autre. On prendra l’assurance. T’auras rien à payer…. ( Je croise les doigts).16h45 : Arrivée à l’école avec les 15 minutes de retard prévues.. Ne restent sur le parking que mes parents d’élèves… et quelques fourgons sortis du camping. Nouveauté : des parents sortent de la camionnette et viennent me serrer la main…. Vrp oblige, je dis combien j’ai été fière d’eux. ( les parents ), combien ils se sont amusés ! ( les enfants ) Combien je les remercie de leur confiance à tous… et puis, j’avance quelques mots sur la dent, prête à rester une heure de plus pour la déclaration d’accident.« mais c’est pas grave , dit le père, pas vrai Roudoudou ???? ( prénom gitan de Léon… … on ne rit pas ).et Roudoudou , soulagé, de me faire un grand sourire et de repartir avec son papa pour le camping…..…Soupir… vraiment, l’école : y a que cela de vrai…. Mais qu’est ce que c’est usant !
...............................................................................................................................................................
Merci sincère à l'instit' à laquelle j'ai " emprunté" ce texte criant de vérité ! Souvenirs,souvenirs..de mes 31 ans d'enseignement en milieu pudiquement dit " sensible" :-)

Aucun commentaire: