Un art différent , un art éphèmère mais un art créatif tout de même : les jardins !
" «Coucou ?» a chanté ce matin le coucou dans votre jardin. Ce qui, traduit du langage coucou, signifie très précisément ceci : «C'est la fin du printemps, la nature explose. De la terre montent des vibrations surnaturelles et les jardins exultent. Iras-tu voir ceux de Chaumont-sur-Loire, où se tient le fameux festival international qui marie composition paysagère et art contemporain ? Ou choisiras-tu Londres et son chiquissime, snobissime, grandissime Chelsea Flower Show, qui est l'exposition de la crème de la crème du jardin anglais ?» Bien entendu, vous avez refusé de choisir, et voilà qu'une moitié de vous-même fonce vers le nord en Eurostar, tandis que l'autre plonge vers le sud à la vitesse d'un train Corail. Suivons-les toutes les deux.
La terre argileuse de Chaumont-sur-Loire aime l'eau, le soleil et les milliers de visiteurs venant chaque année admirer les vingt-six jardins qu'elle nourrit d'avril à octobre, dans le joli parc du château. Pas exactement le genre jardinets tirés au cordeau, mais plutôt des fantaisies végétales élaborées comme des installations d'art moderne dans de petites parcelles de 240 mètres carrés (m 2) chacune, délimitées par des haies de charmes et de hêtres. Ce sont des laboratoires, des champs d'expérience, mais avant tout des jardins : on peut s'y promener en rêvant, parfois s'y asseoir, pourquoi pas y dormir un peu.
Hippie.
La terre des Royal Hospital Grounds, vastes pelouses au coeur de Londres (entre Chelsea et Pimlico), est sans doute plus ingrate, mais qu'importe : les vingt Show Gardens de 230 m 2 qui y sont exposés arrivent «clés en main» avec leur propre substrat. Ici, le visiteur ne pénètre pas dans les jardins, il les contemple respectueusement depuis les allées, derrière une corde. Ainsi rapidement brossées, ces deux manifestations peuvent sembler assez proches l'une de l'autre (à 10 m 2 près, côté parcelles). Ce sont pourtant deux planètes différentes.
L'expo de Chelsea est un village éphémère de 4,5 hectares, créé pour cinq petits jours (le show 2007 s'est terminé le 26 mai) et encombré de centaines de stands loués par des entreprises et des oeuvres de charité. En sus des vingt jardins «vedettes», on peut y admirer des small gardens, amusants exercices de style sur 22 m 2 déclinés dans diverses sections : jardins publics, jardins de toit, d'arrière-cour, etc. Depuis 1913, le Chelsea Show est une foire du jardinage chic qui se joue à guichets fermés : plus aucun billet d'entrée n'est généralement disponible plusieurs jours ou semaines avant l'événement. Ils sont pourtant vendus la bagatelle de 40 livres (soit environ 60 euros), et se négocient plus du double au marché noir. Cela dit à quel point la Manche est large, et le jardinage une religion britannique.
L'expo de Chelsea est un village éphémère de 4,5 hectares, créé pour cinq petits jours (le show 2007 s'est terminé le 26 mai) et encombré de centaines de stands loués par des entreprises et des oeuvres de charité. En sus des vingt jardins «vedettes», on peut y admirer des small gardens, amusants exercices de style sur 22 m 2 déclinés dans diverses sections : jardins publics, jardins de toit, d'arrière-cour, etc. Depuis 1913, le Chelsea Show est une foire du jardinage chic qui se joue à guichets fermés : plus aucun billet d'entrée n'est généralement disponible plusieurs jours ou semaines avant l'événement. Ils sont pourtant vendus la bagatelle de 40 livres (soit environ 60 euros), et se négocient plus du double au marché noir. Cela dit à quel point la Manche est large, et le jardinage une religion britannique.
A Chaumont, le ticket n'est que de 9 euros, et la manifestation dure plus de cinq mois (jusqu'au 14 octobre). Nul stand de matériel de jardinage sur les bords de la Loire : ici, c'est l'art pour l'art. Prenez le Jardin volcanique de Ye Li, étudiante chinoise de l'Ecole supérieure d'art et de design de Reims. Nous pénétrons dans un espace sombre, étrange : des îles semées de plantes rouges et noires flottent sur un petit plan d'eau entouré de pierres de lave. L'eau est rougie par des écorces de pins, et les îles noires bougent au milieu de nuages de brume artificielle. Pour ajouter à ce paysage volcanique une note finale (un do dièse ?), le visiteur est invité à frapper un gong. Ye Li, tient-on de bonne source, a terminé cette installation dans un inquiétant état d'épuisement. Le jardinage volcanique nuirait-il gravement à la santé ?
Tout aussi fumant qu'un volcan mais mieux vaut attendre encore quelques semaines avant de consommer est le Beat Vegetation, jardin dont la plante reine est le Cannabis sativa. Quelques dizaines de plants poussent sur le toit d'un Combi VW, planqué au milieu de cannes de Provence et de poteries très flower power . Fantaisie plus hippie que beat , mais Hippie Vegetation ç'aurait été nul comme titre, ont dû se dire les concepteurs (Barbaux, Cossu, Odile et compagnie). Signalons au visiteur de Chaumont tenté par un prélèvement que ce chanvre, de la variété Futura 75, est plus propice à la production de fibres qu'à la rigolade idiote.
Graffitis.
Pas l'ombre d'un plant de cannabis à Chelsea, my dear . Il ne faudrait pas choquer la famille royale, qui vient presqu'au complet visiter le Flower Show dès les premières heures. Pas l'ombre d'une fantaisie non plus, ce qui est nettement plus embêtant. Les «grands» jardins de concours (les vingt show gardens ) sont pompeux, englués dans un lourd symbolisme et, pour une bonne moitié d'entre eux, de mauvais goût. Ces parcelles sont en revanche d'une richesse horticole ahurissante, que les jardiniers anglais viennent apprécier en connaisseurs. Il faut les voir, massés à deux ou trois cents autour de chaque parcelle, en train de prendre des photos.
Les vrais joyaux de Chelsea, ce sont les «petits» jardins, tout particulièrement ceux de la section Courtyard Gardens, jardins de curés d'un charme fou. C'est par exemple un modeste abri en planches entouré de vieux murs de briques et d'un fouillis de fleurs et de lierre ; des mauvaises herbes poussent dans la gouttière, de vieux pots rouillent çà et là. C'est aussi un bungalow de bord de mer, fait d'un ancien wagon qui s'ouvre sur un jardinet exquis, clos d'une barrière en châtaignier ; une barque est échouée au milieu des coquelicots, et on croit entendre la mer. Ces havres de paix bien patinés donnent l'illusion d'être nichés dans les Royal Hospital Grounds depuis des décennies, alors qu'ils viennent tout juste d'y être créés. Les visiteurs se pressent autour de ces miniatures en poussant des «Oh !» , des «Ah !» et des «Quite charming !» .
Les vrais joyaux de Chelsea, ce sont les «petits» jardins, tout particulièrement ceux de la section Courtyard Gardens, jardins de curés d'un charme fou. C'est par exemple un modeste abri en planches entouré de vieux murs de briques et d'un fouillis de fleurs et de lierre ; des mauvaises herbes poussent dans la gouttière, de vieux pots rouillent çà et là. C'est aussi un bungalow de bord de mer, fait d'un ancien wagon qui s'ouvre sur un jardinet exquis, clos d'une barrière en châtaignier ; une barque est échouée au milieu des coquelicots, et on croit entendre la mer. Ces havres de paix bien patinés donnent l'illusion d'être nichés dans les Royal Hospital Grounds depuis des décennies, alors qu'ils viennent tout juste d'y être créés. Les visiteurs se pressent autour de ces miniatures en poussant des «Oh !» , des «Ah !» et des «Quite charming !» .
Les jardins chaumontais, eux, versent plutôt dans le conceptuel. Un conceptuel parfois déroutant, qui fait lever bien haut les sourcils du public familial et des touristes anglo-saxons échappés du circuit des châteaux. Le festival a imposé cette année le thème de la mobilité : « Des jardins pour un monde en mouvement » est le sous-titre de la manifestation. Avec son projet "Etant donné... un jardin (un hommage à Marcel Duchamp)" , l'équipe américaine Hicks/Mitnick/Roddier propose un jardin à emporter, «bande végétale à dérouler sur un toit ou ailleurs» écrivent les concepteurs, mais ce n'est pas à prendre au pied de la lettre. Le coeur de l'installation est un jeu de miroirs face/face où se reflètent en abyme les images de deux platanes : voilà comment créer, avec peu de moyens et en peu d'espace, une allée infinie. La suprême élégance de ce jardin est de laisser libre la majeure partie de la parcelle qui lui est allouée.
Tout aussi gonflé, cet Undergarden conçu par des étudiants italiens, dont l'objectif affiché est d' «étendre l'art des graffitis à celui des jardins» . Il y parvient de la manière suivante : sur une palissade est tagué le mot « MOVE » (car il fallait bien traiter le thème de la mobilité), qui est répété et déformé jusqu'à devenir un joli graff abstrait en quatre couleurs ; lequel est reproduit sur le sol avec des plantes des mêmes couleurs. Des fleurs à la place des bombes de peinture : trop fort.
Champagne.
Retour à Londres où l'organisation caritative Children's Society parraine le jardin Lust for Life, perle de la section Chic Gardens. Il tire son nom de la chanson d'Iggy Pop qui, rappelez-vous, s'ouvre par ces paroles : «Here comes Johnny Yen again/With the liquor and drugs/And the flesh machine/He's gonna do another strip tease.» Traduction jardinière : un plancher en cèdre sur lequel sont disposés des massifs de fleurs blanches (des arméries) et violettes (des sauges des bois, entre autres), le tout traversé par un jet d'eau qui s'anime au son de la chanson d'Iggy et va se briser sur un mur en pierre à chaux qui s'érode doucement. Tout cela symbolise, nous explique-t-on, le «potentiel inné de l'enfance» .
Les allées du Chelsea Flower Show doivent être parcourues avec à la main un verre de Pimm's (4,50 livres, 7 euros environ) ou une flûte de champagne (9,50 livres soit 14 euros). Il est probable qu'aucun autre festival de jardin ou d'horticulture ne réunit autant de champagne bars dans son enceinte, ni ne parvient à écouler 20 000 verres de Pimm's en cinq jours. Si bien que l'ivresse est triple : celle du jardin grâce aux ondes mystérieuses de la végétation, celle plus cérébrale du jeu avec les symboles, et enfin celle qu'induit généralement le produit de la vigne après fermentation alcoolique. Mais les 157 000 visiteurs du Show, souvent la cinquantaine élégante, ne sont pas du genre à rouler sous la table.
Les allées du Chelsea Flower Show doivent être parcourues avec à la main un verre de Pimm's (4,50 livres, 7 euros environ) ou une flûte de champagne (9,50 livres soit 14 euros). Il est probable qu'aucun autre festival de jardin ou d'horticulture ne réunit autant de champagne bars dans son enceinte, ni ne parvient à écouler 20 000 verres de Pimm's en cinq jours. Si bien que l'ivresse est triple : celle du jardin grâce aux ondes mystérieuses de la végétation, celle plus cérébrale du jeu avec les symboles, et enfin celle qu'induit généralement le produit de la vigne après fermentation alcoolique. Mais les 157 000 visiteurs du Show, souvent la cinquantaine élégante, ne sont pas du genre à rouler sous la table.
On ne sait quel effet les vins de Loire ont sur les explorateurs chaumontais, mais là-bas, au moins, on ne risque pas de se faire marcher dessus si l'on s'effondre dans une allée : la circulation est beaucoup plus fluide. Le seul risque encouru est de se prendre un sac de sable sur la tête en visitant l'espace conçu par François Delarozière, l'homme des machines du Royal Deluxe. Son «jardin» est habité par un vaisseau julesvernesque dont la nacelle est suspendue à plusieurs mètres de hauteur. On surprend la machine de métal au moment où elle est en train d'échantillonner diverses variétés de chênes avec ses grandes pattes. C'est beau et c'est gland !"
(Libération)
Pour 2007, c'est trop tard, mais tous les jardins peuvent être visités en vidéo sur le site de la Royal Horticultural Society, organisatrice de l'événement. Et il n'est pas trop tôt pour réserver un billet pour l'édition 2008, qui aura lieu vers la fin mai. www.rhs.org.uk
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