jeudi 14 juin 2007

Esma Redzepova

Accompagnée par un ensemble instrumental où tourbillonnent clarinette, accordéon et trompette, Esma Redzepova chante, d'une voix forte et fiévreuse, les bonheurs et misères des gens du voyage, l'ambiance des mariages, les errances de l'exil. Elle vient présenter, au New Morning à Paris, son nouvel album, Mon histoire, enregistré avec l'Ansambl Teodosievski dans lequel intervient le guitariste et joueur de bouzouq français Titi Robin, fan depuis toujours de cette chanteuse emblématique de la culture rom. C'est en 1962, à l'Olympia, qu'elle se produisit pour la première fois à Paris.
Esma - l'usage est de la désigner par son seul prénom - est une star chez elle, à Skopje, en Macédoine, une légende pour les Roms, à l'instar du crooner serbe Shaban Bajramovic. Elle revendique plus de huit cents chansons. On dit d'elle qu'elle est "la reine des Tsiganes". Ce n'est pas une invention, une coquetterie de la dame qui n'en manque pas. Le titre lui a été attribué à Chandigarh, capitale du Penjab, lors du premier Festival mondial de musique rom, en 1976.
Quand elle part dans ses souvenirs, la chanteuse Esma devient une conteuse passionnante, si habile qu'on la croit sur parole(s), touchante naïveté comprise. "Un de mes plus beaux souvenirs, c'est celui d'une petite fille de 4 ans, venue me voir après un concert pour m'offrir un chat en plastique, son jouet préféré. Partout où je dors, depuis, ça fait environ vingt ans, le petit chat est là." Et d'ajouter, avec une fierté non dissimulée : "J'ai fait 22 000 concerts... jusqu'en 1984. Après 1984, je ne les ai plus comptés." Pourquoi 1984 ? On ne le saura pas. Trop d'explications peuvent tuer l'effet.
Esma raconte comme elle chante, dans son regard alternent sourires et pleurs. "Tout me vient de mon père. Il était cireur de chaussures. C'est lui qui a fait naître en moi cette passion du chant. Il chantait très bien et maniait les percussions avec grand talent. Il jouait beaucoup dans les mariages juifs ou roms."
En cinquante ans de carrière, elle n'a jamais arrêté de chanter, "sauf à la mort de Stevo, en 1997. Pendant un an". Stevo, c'est le compositeur et accordéoniste Stevo Teodosievski, qui l'a repérée dans une émission de la radio macédonienne, en 1956, et va la faire inscrire à l'Académie musicale de Belgrade. Il deviendra son époux. "C'était la première fois qu'on entendait une chanson en rom à la radio", raconte Esma. Depuis, affirme la chanteuse, "la Macédoine est devenue le seul pays où les Roms sont reconnus. On a deux télés privées rom, un maire rom, deux députés au Parlement". Stevo Teodosievski et Esma ont adopté 47 enfants dans leurs déplacements à travers les Balkans. Ceux qui l'accompagnent aujourd'hui sur scène et dans ses albums sont issus de cette grande famille.
Concerts : New Morning, 7-9 rue des Petites-Ecuries, Paris-10e. Tél. : 01-45-23-51-41. Du 14 au 16 juin, à 20 h 30. Festival L'Eté musical, à Panissières, le 10 juillet. Festival Les Suds à Arles, le 13 juillet.
Disques : "Mon Histoire", 1 CD Accords croisés/Harmonia Mundi ; "Gypsy Carpet", 1 CD Network/Harmonia Mundi.
Patrick Labesse

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