NE TE MOQUE PAS
Ne te moque pas de l’indien
qui descend des montagnes
laissant ses chèvres
et ses douces brebis, ses terres à l’abandon.
Ne te moque pas de l’indien si tu le vois muet
un peu fruste et tout assommé de soleil.
Ne te moque pas si à travers rues
tu le vois trottant comme un lama
une guanaco apeuré, un âne rétif
poncho et chapeau sous le bras.
Ne méprise pas l’indien si au plein du soleil
tu le trouves tout emmitouflé dans sa
laine et trempé de sueur.
Pense, ami, que celui-là descend de là-haut
où un vent de glace entaille les mains
et fait éclater les cals des pieds.
Ne ris pas de l’indien si tu le vois
mâchant son maïs cuit
ou cette viande dure qu’il a traîné jusqu’ici, sur cette place,
par quelque sentier glacial ou le long d’un fleuve.
Le voilà qui descend vendre ses cuirs, vendre sa laine
pour acheter son sucre, ramener sa farine.
Il aura même sur lui sa monnaie et son manger
pour ne rien devoir te demander.
Ne te paye pas de sa gueule d’indien qui vit sur sa frontière
par là-bas, vers le col de Zenta,
car si tu vas par ses montagnes
il t’ouvrira les portes de sa cahute
te versera son alcool de maïs et te passera son poncho.
Près de ses gosses, tu mangeras ce qui lui reste
et rien en échange.
Ne te paye pas la gueule de cet indien qui cherche le silence
et fait monter ses fèves entre les caillasses d’ardoises
là-bas, sur ces hauteurs où rien ne pousse.
Car c’est ainsi que survit l’indien sur sa propre terre
sa terre mère, sa Pachamama.
FORTUNATO RAMOS(poète indien de Humahuaca, petit bourg des Andes au nord de l’Argentine)
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