samedi 5 mai 2007

Poème indien des Andes argentines



NE TE MOQUE PAS

Ne te moque pas de l’indien

qui descend des montagnes

laissant ses chèvres

et ses douces brebis, ses terres à l’abandon.

Ne te moque pas de l’indien si tu le vois muet

un peu fruste et tout assommé de soleil.


Ne te moque pas si à travers rues

tu le vois trottant comme un lama

une guanaco apeuré, un âne rétif

poncho et chapeau sous le bras.


Ne méprise pas l’indien si au plein du soleil

tu le trouves tout emmitouflé dans sa

laine et trempé de sueur.

Pense, ami, que celui-là descend de là-haut

où un vent de glace entaille les mains

et fait éclater les cals des pieds.


Ne ris pas de l’indien si tu le vois

mâchant son maïs cuit

ou cette viande dure qu’il a traîné jusqu’ici, sur cette place,

par quelque sentier glacial ou le long d’un fleuve.


Le voilà qui descend vendre ses cuirs, vendre sa laine

pour acheter son sucre, ramener sa farine.

Il aura même sur lui sa monnaie et son manger

pour ne rien devoir te demander.


Ne te paye pas de sa gueule d’indien qui vit sur sa frontière

par là-bas, vers le col de Zenta,

car si tu vas par ses montagnes

il t’ouvrira les portes de sa cahute

te versera son alcool de maïs et te passera son poncho.

Près de ses gosses, tu mangeras ce qui lui reste

et rien en échange.


Ne te paye pas la gueule de cet indien qui cherche le silence

et fait monter ses fèves entre les caillasses d’ardoises

là-bas, sur ces hauteurs où rien ne pousse.


Car c’est ainsi que survit l’indien sur sa propre terre

sa terre mère, sa Pachamama.


FORTUNATO RAMOS(poète indien de Humahuaca, petit bourg des Andes au nord de l’Argentine)

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