lundi 26 novembre 2007

L'automne de Maria Chapdelaine


Un joli souvenir de lecture d'enfant !


[...] Tout au long d'octobre les jours de gel et les jours de pluie alternèrent, cependant que la forêt devenait d'une beauté miraculeuse. À cinq cents pas de la maison des Chapdelaine la berge de la rivière Péribonka descendait à pic vers l'eau rapide et les blocs de pierre qui précédaient la chute, et de l'autre côté du courant la berge opposée montait comme un amphithéâtre de rocher en coteau, de coteau en colline, mais comme un amphithéâtre qui se prolongeait sans fin vers le nord. Du feuillage des bouleaux, des trembles, des aunes, des merisiers semés sur les pentes, octobre vint faire des taches jaunes et rouges de mille nuances. Pour quelques semaines le brun de la mousse, le vert inchangeable des sapins et des cyprès ne furent plus qu'un fond et servirent seulement à faire ressortir les teintes émouvantes de cette autre végétation qui renaît avec chaque printemps et meurt avec chaque automne. La splendeur de cette agonie s'étendait sur la pente des collines comme sur une bande sans fin qui suivait l'eau, s'en allant toujours aussi belle, aussi riche de couleurs vives et tendres, aussi émouvante, vers les régions lointaines du nord où nul oeil humain ne se posait sur elle.
Mais voici que du nord vint bientôt un grand vent froid qui ressemblait à une condamnation définitive, à la fin cruelle d'un sursis, et présentement les pauvres feuilles jaunes, brunes et rouges, secouées trop durement, jonchèrent le sol ; la neige les recouvrit et le sol blanchi ne connut plus comme parure que le vert immuable des arbres sombres, qui triomphèrent, pareils à des femmes emplies d'une sagesse amère, qui auraient échangé pour une vie éternelle leur droit à la beauté. [...]
Louis Hémon, Maria Chapdelaine


Image :

L'Église à Péribonka (The McMichael) - Clarence Gagnon (1881-1942) a illustré, de façon très idéalisée, Péribonka et la vie des pionniers. Ses tableaux n'en demeurent pas moins d'une grande beauté. Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté et Jean-Paul Lemieux illustreront aussi Maria Chapdelaine.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai lu tout le contenu de ton Blog de ce jour..
J'ai aimé, j'ai même dégusté ..
Je voulais juste te montrer que je suis passée..
Bisous ma belle quinqua
asminette

Nicole a dit…

2 grands: Louis Hémon, l'auteur. Je suis passée 4 fois dans ce village (Lac-St-Jean)au Québec.Cela fait tout drôle que tu en parles. Tu as une immense culture, tu sais. Clarence Gagnon,un peintre extraordinaire. On peut voir ses oeuvres au Musée des beaux-arts de Québec. Tu m'impressionnes beaucoup ! J'adore tes belles surprises pour faire connaître les gens talentueux du Québec. Merci !!!