vendredi 4 mai 2007

Règlements de comptes à Ok Corral

Pourquoi ce remue-ménage au Ministère de la Culture , quelques semaines avant la fin du mandat ? Rejoue -t'on une deuxième version de " Règlements de comptes à OK Corral " ?
Cela fait effectivement beaucoup de mutations ,de renvois , de déplacements ...
Veut-on règler des comptes ? Placer des pions personnels sur l'échiquier politique ? Je me pose des questions !

"Après les médias, la culture ? Le gouvernement finissant a-t-il décidé de la rappeler à l'ordre ? En tout cas, les musées, tout comme le théâtre , sont soumis à une série de mesures, dans lesquelles la tutelle politique s'exerce lourdement. A l'origine, la fronde contre le projet de «vendre» un Louvre à Abou Dhabi.

Protestation.
Derniers épisodes : Pierre Rosenberg a démissionné du Conseil artistique des musées. Et était appelée, hier, en urgence à Paris, à la demande du ministre de la Culture, une réunion d'un programme franco-américain d'échanges d'expositions (le Frame) pour évincer Françoise Cachin, qui le préside depuis qu'elle l'a créé, en 1999. Ancienne directrice des musées de France, elle a eu le tort de rédiger, avec les historiens d'art Jean Clair et Roland Recht, une protestation contre Abou Dhabi, qui a réuni plus de 4 000 signatures.
La réplique ne s'est pas fait attendre : Françoise Cachin a été débarquée du Conseil artistique. Le même sort a été réservé à Michel Laclotte, ex-président du Louvre. Professeur au Collège de France, Roland Recht a été écarté de la commission des acquisitions du musée.
La réaction de Pierre Rosenberg est plus inattendue. Personnalité considérable du monde de l'art, académicien, historien de l'art prolifique, il a présidé le Louvre de 1992 à 2001. Il n'a pas voulu rendre sa démission publique, mais elle s'est répandue dans les couloirs du musée. Son geste prend d'autant plus de force qu'il était un partisan sans complexe d'Abou Dhabi. Il quitte le Conseil sans éclat, sans doute par respect pour Michel Laclotte.
La faute de ce dernier ? Avoir publié dans Libération une tribune où il s'interrogeait simplement sur les risques de la multiplication des prêts d'oeuvres par nature fragiles. Ayant dirigé le Louvre pendant huit ans, il est pourtant loin d'être un va-t-en-guerre. Il n'avait pas voulu signer la pétition. Aujourd'hui, il garde encore le silence. Dernière victime, Pierre Georgel, qui entretenait une relation orageuse avec son administration, suspendu de la direction du musée de l'Orangerie suite à une altercation avec une employée...

Rappel à l'ordre.
En première ligne, la directrice des musées de France, Francine Mariani-Ducray, se présente en fidèle exécutante des décisions du ministre. Elle fait valoir que «les intéressés étaient arrivés en fin de mandat». Au Frame, les Américains ont été blessés par l'attaque, dans la pétition Abou Dhabi, contre l'installation d'une antenne du Louvre à Atlanta, «cité du Coca Cola» . Aucun conservateur en poste n'a été inquiété pour avoir signé la pétition. «Pas de chasse aux sorcières» donc, tout au plus le passage d'une génération, qui n'a pas compris que les anciens lieux d'érudition devaient entrer dans l'ère de la culture de masse et du commerce de l'art.
Néanmoins, les éliminations se sont faites avec une grande inélégance, des personnalités qui ont consacré leur vie aux musées se voyant prévenues la veille par courrier, déposé par coursier. Georgel était à quelques mois de la retraite. « Des écarts, par le passé, il y en a eu mais pas ces procédés déshonorants. C'est une accumulation, on ne peut pas parler d'accidents de parcours», s'inquiète Roland Recht.
Cette série de sanctions peut d'autant plus inquiéter qu'elle s'associe à un chassé-croisé à la tête des établissements qui a pris une ampleur rare. Le propos de cette vindicte paraît d'autant moins clair que le contrat d'Abou Dhabi a été signé. A moins de signifier un rappel à l'ordre lancé à tous, dans les musées et la culture en général."
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Auteur d'expositions de référence sur Manet, Gauguin, Cézanne, Françoise Cachin a dirigé Orsay de 1986 à 1994, puis les Musées de France jusqu'à 2001.

"Après votre éviction du conseil artistique, le ministre demande votre départ d'un programme franco-américain d'expositions.
Cela me semble une incongruité, s'agissant d'une fondation de droit privé. Comment le gouvernement pouvait-il penser échapper au débat public s'agissant du sort des collections nationales ? Je n'ai jamais vu une telle série d'intimidations lancées pour sanctionner une opinion. Dans les musées, beaucoup, désormais, ont peur d'exprimer une divergence. Les conservateurs sont un peu terrorisés par le devoir de réserve, qui s'applique aussi bien à eux qu'aux militaires. Mais ce devoir a ses limites. Quand j'étais en fonctions, on ne m'a jamais opposé le devoir de réserve. Nous avons eu des débats publics animés, comme sur la spoliation et les restitutions. Je n'ai jamais non plus fait l'objet de pressions d'un ministre. Or dans le cas d'Abou Dhabi, on a imposé un projet au Louvre.

La France ne s'est-elle pas toujours distinguée par le poids du politique sur la question culturelle ?
Depuis quelques années, on assiste à une tutelle de plus en plus pesante sur le métier des conservateurs, une mainmise idéologique et administrative qui s'incarne dans le poids grandissant des énarques et polytechniciens. Je suis inquiète pour le métier de conservateur, qui devient fragile. Etre conservateur ne signifie pas monter sur ordre quatre expositions par an pour des raisons commerciales, à Abou Dhabi ou ailleurs. En principe, on fait une exposition pour faire avancer et pour faire connaître l'histoire de l'art. Cette dérive est la conséquence du nouveau statut des grands établissements et des exigences de rentabilité.

Les conservateurs n'ont-ils pas loupé le coche en manquant de s'adapter à la gestion ?
Les conservateurs sont formés à défendre le patrimoine, pas comme gestionnaires. En province, ce mouvement s'est mieux fait. C'est vrai, ils ne se sont pas assez méfiés du pouvoir grandissant des administratifs dans le culturel. Aux Etats-Unis, il serait inimaginable que le pouvoir, fédéral ou local, donne des ordres aux musées. Ici, les conservateurs vivent une diminution de leur autonomie."


1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'exception culturelle française est morte. C'est curieux cette volonté de vouloir commercialiser la culture. Dans quel objectif, sinon démontrer que rien ne peut échapper au pouvoir économique, même la pensée?