mardi 8 mai 2007

Changer de rêve




Nous sommes tous porteurs de désirs et de rêves de changement qui évoluent au cours de notre existence. Certains vont rester enfouis au fond de notre imaginaire ou de notre impatience. D’autres vont se perdre en cours de route et d’autres encore vont se réaliser sans toujours nous combler. Et quelques-uns (du moins je l’espère) vont s’épanouir, devenir porteurs d’une énergie, d’un enthousiasme et d’une ferveur capable de transformer la vie.


À 10 ans, je rêvais que lorsque je serais grand, je pourrais enfin tout faire à ma convenance. Lire quand j’en avais envie (à toute heure du jour et de la nuit), manger ce que je voudrais (surtout de la purée), étudier ce qui me paraissait le plus passionnant (la musique), retrouver la mère de ma mère pour lui faire ce cadeau magnifique : lui offrir une vraie maman.


À 18 ans, je rêvais tout simplement d’être aimé (et ce ne fut pas simple du tout !) Seulement cela : être aimé par une femme, une jeune fille qui me comprendrait, qui m’accepterait inconditionnellement. Je sortais d’une longue maladie, je doutais beaucoup de moi, de mon corps, de mon intelligence ou de mes ressources.


À 25 ans, je rêvais de devenir un sculpteur célèbre dont on viendrait admirer les œuvres du monde entier, mais surtout quelqu’un dont mes enfants pourraient être fiers.


À 30 ans, je rêvais que chacun pourrait un jour entreprendre un travail personnel sur lui-même et accéder ainsi à une plus grande liberté d’être. Que les hommes et les femmes pourraient enfin se comprendre et construire entre eux des relations plus vivantes, plus respectueuses, plus joyeuses et porteuses de croissance mutuelle.


À 35 ans, je rêvais qu’il fallait changer quelque chose dans le monde, traquer la misère, punir les injustices, éradiquer les tyrans et mieux partager nos richesses.
Plus tard encore, vers 40 ans, je rêvais qu’un jour on enseignerait la communication à l’école comme une matière à part entière. Qu’il y aurait ainsi des citoyens plus conscients, moins habités de violence, plus engagés dans leur propre croissance et celle de leur environnement.


Vers 50 ans, mon rêve le plus fort était que puisse naître, un jour, un gouvernement planétaire. Pour gérer de façon plus équitable cette planète qui nous avait accueilli sans réserve, nous les humains, il y a des millions d’années et que nous maltraitons beaucoup. Un gouvernement planétaire pour ne plus laisser aux nations les plus puissantes - et parfois les moins morales - le pouvoir de s’accaparer à leur seul profit l’essentiel des ressources naturelles. Un gouvernement qui serait au service de chacun pour lui permettre d’avoir une place à part entière, qui ne lui serait contestée par personne. Un gouvernement qui donnerait à chaque garçon et fille, la possibilité d’être éduqué, de grandir, de vivre en toute sécurité dans le choix de ses valeurs et croyances.


À 60 ans, mes rêves étaient devenus plus modestes. Je rêvais qu’on puisse non seulement prolonger la vie, mais que celle-ci reste vivable, acceptable pour ceux qui voulaient rester vivant le plus longtemps possible, non pas en ajoutant des années à la vie, mais de la vie aux années.


Vers 70 ans, je rêve qu’on puisse protéger, cultiver et agrandir la beauté sous toutes les formes possibles. Qu’on apprenne aux enfants à créer du beau dans leur environnement proche et à transmettre cela tout autour d’eux.
Ainsi ai-je passé ma vie à rêver et je continue de croire que le plus important est de ne pas trahir ses rêves. Nous pouvons en abandonner quelques-uns en cours de route et rester cependant fidèles aux rêves majeurs de notre vie.
Jacques Salomé

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