Des paysans uruguayens ont longtemps joué avec d'insolites objets de plomb enfouis dans la pampa, avant de découvrir qu'ils venaient d'exhumer les rares vestiges d'une guerre napoléonienne au coeur de l'Amérique latine.
Au gré des labours et des intempéries, les paisibles pâturages, parsemés de balles et d'obus, ont restitué peu à peu le vacarme d'un affrontement sanglant qui opposa, il y a deux siècles, plus d'un millier de soldats anglais à autant de défenseurs de la couronne d'Espagne, alliée à l'Empereur.
Javier Pessio, un éleveur de vaches de 37 ans, se souvient de "ces drôles de boules qui traînaient partout" sur les terres familiales, près de Colonia del Sacramento, cité stratégique située à l'embouchure du Rio de la Plata, l'immense fleuve séparant l'Uruguay de l'Argentine.
"Cela nous faisait rire, on s'amusait avec tous ces objets, sans avoir la moindre idée de leur importance. Maintenant, je sais qu'il y a eu beaucoup de morts et je n'ose plus trop venir ici le soir", confie à l'AFP ce petit homme affable.
C'est seulement l'an dernier que les habitants ont vu débarquer un historien résidant dans les environs.
Alerté par cette étrange moisson, Diego Lascano n'a pas tardé à comprendre qu'il foulait le sol de la "bataille de San Pedro", du nom du cours d'eau voisin, menée à l'aube du 7 juin 1807 par les Anglais, lancés à la vaine conquête des colonies du nouveau continent.
"Ce fut un carnage qui se solda par plus d'une centaine de victimes en une demi-heure. Les envahisseurs avaient envoyé un commando d'élite tandis que les Espagnols disposaient de troupes inexpérimentées, à peine recrutées", raconte cet Argentin de 44 ans.
Les alliés de Napoléon, des milices autochtones et une poignée de Français, ont "sans doute fui en courant" face aux terrifiants fantassins du 95e régiment britannique, futurs héros de Waterloo, poursuit l'historien, en soulignant les laborieuses conditions de combat de l'époque.
Ballottées par le vent, les balles des carabines ne parcouraient guère que soixante-dix mètres et il fallait recharger régulièrement la poudre dans le canon des mousquets, selon une cadence de trois tirs à la minute.
Pour Lascano, ce butin de munitions et autres insignes d'uniforme offre une "reconstitution" inédite permettant de "retracer les mouvements des soldats, savoir d'où venaient ces combattants, mieux connaître l'armement".
L'équipe scientifique qu'il dirige partage son enthousiasme. "C'est un terrain d'investigation unique, le seul champ de bataille napoléonien resté intact dans le sous-continent", s'exclame Virginia Pereira, une archéologue uruguayenne de 29 ans, à la recherche d'une éventuelle fosse humaine.
Les autres invasions britanniques, de Montevideo à Buenos Aires, ne peuvent révéler leurs secrets, scellés sous le ciment des villes qui a enseveli toute trace des combats.
Grâce au soutien financier d'une fondation bancaire et de l'ambassade britannique d'Uruguay, de larges fouilles, dotées d'un budget de 8.000 dollars, doivent démarrer à Colonia, dans l'espoir d'ouvrir un musée.
Des abondantes récoltes de plomb du passé, les paysans n'avaient hélas conservé qu'une dizaine d'objets. La plupart d'entre eux ont été fondus pour les plaisirs de la pêche quand ils n'ont pas été simplement jetés.
Le clou de cette collection, un boulet de canon intact de trois kilos, propulsé par les fameux Six-Pounders anglais, avait surtout contribué, durant des années, au bonheur d'un sportif de la région, féru de lancer du poids.
© 2007 AFP
mardi 27 février 2007
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