Tout Bovary manuscrit sur Internet : Les 4 546 feuillets originaux de Flaubert numérisés.
FRÉDÉRIQUE ROUSSEL
L’Atelier Bovary (1) vient d’ouvrir en ligne. L’internaute peut y feuilleter la totalité des manuscrits de Madame Bovary avec leurs transcriptions. Cela n’a l’air de rien, mais c’est l’aboutissement d’une longue aventure démarrée en 2002.
Les manuscrits de Madame Bovary ont été légués en 1914 à la bibliothèque de Rouen par Caroline, la nièce de Gustave Flaubert. Ce sont au total, 4 546 feuillets d’une écriture montante, noircis entre juin 1851 et avril 1856 et qui ne laissent pas en repos les marges et les versos. Le manuscrit définitif compte, lui, 470 pages.
La «bouillie» de Flaubert, comme il l’appelait, n’a pas été simple à décrypter. Une seule page de roman pouvait résulter de quarante brouillons. «La tête me tourne, et la gorge me brûle d’avoir cherché, bûché, creusé, retourné, farfouillé et hurlé de cent mille façons différentes, une phrase qui vient enfin de se finir», écrit-il le 4 avril 1854 à Louise Colet. Les rencontres d’Emma et Rodolphe à la hutte ou la visite de la cathédrale avec Léon, ont été réécrites plusieurs fois. «Il fait un premier jet qu’il corrige minutieusement : il barre certains mots, biffe des passages entiers, bourre ses interlignes de corrections, fait des ajouts dans la marge, soumet le texte à l’épreuve du gueuloir. Il recopie alors ce texte ainsi remanié sur une nouvelle page, barre la précédente d’une grande croix de Saint-André, et retravaille selon le même processus», dit Danielle Girard, responsable des transcriptions.
Il a d’abord fallu resituer dans le temps les différents états d’écriture, étape réalisée par une doctorante, Marie Durel. Puis la bibliothèque municipale de Rouen a numérisé les feuillets en mode image, entre 2002 et 2003.
Les transcriptions, assurées par le Centre Flaubert de l’université de Rouen, ont démarré en avril 2004. Vu l’ampleur de la tache, un appel au bénévolat a été lancé. 130 transcripteurs et des classes de seconde se sont portés volontaires. Toute une communauté de copistes non-spécialistes, mais sans qui rien n’aurait été possible. Le subtil labeur vient de s’achever en point d’orgue du «cent cinquantenaire» de Madame Bovary. Les manuscrits avec leur transcription sont en ligne, accompagnés d’un moteur de recherche, d’un index des noms propres, d’une cartographie, etc. Le site migrera bientôt sur le serveur de l’université de Rouen.
Grâce à cette édition électronique «a la mano», les manuscrits de Flaubert peuvent être lus de partout, sans autorisation préalable et sans gants pour tourner les pages.
(1) www.zoulous.com/bovary/
1 commentaire:
En lisant votre article, m'est venue en tête cette idée un peu folle : et si Emma Bovary avait eu la chance de vivre à l'époque des connexions Internet, des Emails avec pseudo et des sites de rencontre ? N'aurait-elle pas pu forcer son destin et ainsi rencontrer, virtuellement d'abord, in vivo ensuite, un homme comme elle les imaginait, dont le caractère, les goûts, les activités auraient été conformes à ses propres attentes et fantasmes ?
Une idée de roman ça !... :-)
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