«On ne vit pas, on plie!»
Extrait d'une lettre d'un lecteur du Contre-journal au Président de la République, publiée par Libération le 19 décembre, sous la signature de Nicolas Royal.
« Monsieur le président, permettez-moi de vous entreprendre gentiment des choses qui se disent ici-bas…Tandis que ma voisine de palier et sa voisine de cancans devisent à voix (hurlée) haute de votre présumée liaison avec ce fameux "top" bien connu au filet de voix bleu atone – celle de droite, vous trouvant même "plutôt bel homme" et gloussant de plus belle sous sa robe de chambre fleurie d’autant de souvenirs enfouis – moi, je me prépare à courir… Et oui ! Je suis comme vous, enfin… Je cours !
La différence c’est que je ne cours pas juste, pour courir… Après ce monde qui me glisse un peu plus chaque jour d’entre les neurones, non, moi, je cours pour, pour… Mourir ! (Ça me glace un peu, en fait, quand je me relis à haute voix tremblante).
« D’aucuns se remplissent quotidiennement les artères et poumons de choses lourdes, grasses ou nocives – pour se laisser aller à glisser lentement du côté « obscur » du quotidien – d’autres, eux, se contentent de braver les interdits boursiers, la Corse, le SRAS, les glauques bains de méditerranée. Tandis que moi, me calquant en tous points sur votre fameux exemple, j’ai choisi d’agir, moi, monsieur, et de mourir debout, sur mes deux pieds. Comme un homme d’action. Comme un battant. Comme un gagnant ou presque, quoi, en somme…
Faut vous dire, Monsieur, que chez ces gens-là, chez-les gens comme moi, on ne vit pas, non, on plie…
Deux ans, putain, deux ans, donc ! Et rien, toujours… Rien ! Pas l’ombre d’une pauvre réponse positive consentie aux centaines de missives envoyées en masse vers l’azur étoilé du monde du travail… Rien, vous dit-je, que nibe !
400 et quelques Euros. Voici quelle est désormais ma pitance mensuelle. Enfin, celle que vous m’allouez gracieusement en remerciement de mes bons et loyaux services laborieux sués au cours des dix dernières années ! 400 et une poignée… D’Euros !
Ça va vous paraître bête, mais il arrive même (parfois) que l’ANPE se souvienne soudainement de mon existence afin que de remettre en doute mes velléités effectives de recherche en me convoquant tous les sept mois à l’occasion de ce fameux suivi mensuel dont vous nous rebattez tant les oreilles (M. Borloo ?).
Actuellement, je suis en cours de paupérisation, un sujet que je connais fort bien, puisque j’ai même écris et longuement disserté dessus au cours des années précédentes, dans le cadre de mes fameuses laborieuses activités d’alors… Snifffffffff ! ! !
Étrange tout de même, comme on peut vite monter une tente, au sein même des arcanes officiels de notre République, et en démonter d’autres manu militari au coin des rues froides de la même capitale quelques jours plus tard, à peine… Vous ne trouvez pas ?
Depuis deux ou trois jours, donc, après avoir lâchement fait une croix sur les armes blanches, sur le vélo en ville, sur le pont de l’autoroute d’à côté : j’ai finalement opté pour deux séances supplémentaires de ce jogging aimé que vous chérissez tant, et tant, et tant ! Deux, rien moins !
Mais non, rien à faire, l’autre enragé au ventricule inversé ne veut pourtant rien lâcher. Comme vous, dites ! C’est un sacré battant, ce putain de palpitant !»
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