jeudi 27 décembre 2007

Entrer en poésie et attendre un ange



Comment définiriez-vous la poésie?


Je dirais que c'est un immense silence sonore. En poésie, ce qui est vraiment important se murmure dans le silence qui habite l'entre-deux mots. La poésie, c'est la brise légère du prophète Elie où Dieu se dit tout en se taisant et en se masquant.



La poésie est pour vous chemin de prière?


Je prie un crayon à la main! La poésie, c'est une manière d'être disponible aux choses et aux êtres. La poésie est pour moi prière car la tâche du poète consiste à cultiver l'attention amoureuse aux êtres qui l'entourent, à commencer par le plus grand d'entre eux, l'Eternel. La poésie est cette quête, ce dépassement de nous-mêmes que nous avons toujours à faire pour achever notre propre création. Nous avons à devenir qui nous sommes vraiment. Pour cela, il nous faut entrer dans l'aventure intérieure. Dans cette démarche spirituelle, la poésie peut être un chemin car elle nous ouvre un espace intérieur où le silence vient nous dire une parole indicible.
Jacques Gauthier



Mourir dehors



Comme j'aimerais mourir dehors


au grand vent qui reprend mon souffle



Mourir frais sous l'arbre


en vrai sagittair


em'envoler avec l'outarde


vers ces grands espaces


que mon coeur a tant rêvé



Mourir en plein air


participant au chant du monde


et dire simplement


après tant de saisons


me voici



La joie blessée, p. 25



L'innommable



En écrivant toi


je pense à toi



Je t'aime par ces mots que j'écris de toi


qui te rendent présent



Est-ce si simple



Oui justement



Je te veux alors je te nomme


toi l'innommable



A défaut de te voir


je te touche par ces mots



Je prie un crayon à la main


agenouillé sur la page


dans la blancheur à perte d'âme


surpris soudain de tant de présence



Est-ce toi



Oui puisque je l'écris



La joie blessée, p. 52



Attendre un ange



Je sais qu'il vient sans s'annoncer


dans les eaux les plus claires en moi


où des vagues remontent au coeur


je sais qu'il n'est pas seul ce soir


à roder pour l'oeil en éveil


qui sait voir ce que l'on ne voit pas



J'attends un ange sur le pont


dans le brouillard jusqu'au matin



Vous le verrez passer peut-être


sur les ailes blanches du vent


dans les ténèbres de la nuit


ce sera une ombre ou un souffle


calme sur le duvet de l'âme


quand la solitude nous hante



Pourquoi serez-vous pris de peur


quand par milliers ils tomberont


entre les bras du crépuscule


pourquoi prendrez-vous vos fusils


pour chasser ces beaux messagers


de poésie et de musique



J'attends un ange sur la place


balayée par tant de chagrin



Viendra la brume après l'orage


ces cheveux d'ange et de silence


pour tous ses visages en exil


viendront les automnes déserts


et beaucoup de blanc sur la page


avant que ne reviennent les anges



La joie blessée, p. 60-61.
Jacques Gauthier

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