vendredi 17 août 2007

Les loups sont entrés dans les bergeries



Six hommes massacrés à Duisbourg, en Allemagne. Agés de 16 à 38 ans, ils étaient originaires de Calabre, dans le Sud de l'Italie - le plus jeune étant le seul à être né en Allemagne. Ils ont été abattus mercredi devant un restaurant italien.


Selon les premiers éléments de l'enquête, il s'agirait d'un nouvel épisode de la "vendetta de San Luca", du nom d'un village calabrais où s'affrontent deux clans mafieux (lire notre article : L'Italie craint une reprise de la vendetta en Calabre). "Une jolie histoire pour les journalistes", assure Xavier Raufer, professeur à l'Institut de criminologie de Paris. "Il ne s'agit que d'une hypothèse", souligne à LCI.fr ce spécialiste des mafias (1).


"Pas de repentis"

"La vérité est que l'on connaît très mal la ‘Ndrangheta, pointe-t-il. Des trois grandes sociétés criminelles du Sud de l'Italie - la mafia sicilienne, la Camorra napolitaine et la ‘Ndrangheta calabraise, cette dernière est la seule qui confonde délibérément la famille biologique et la famille criminelle." Pas "d'étrangers" dans le clan, ce qui rend ce dernier quasiment impénétrable pour qui vient de l'extérieur. Une organisation décentralisée, sans véritable organe décisionnaire central, dont les clans sont par ailleurs très soudés : "Il n'y a jamais eu de repentis célèbres au sein de la ‘Ndrangheta, contrairement à ce qui se passe pour la Mafia et la Camorra", précise Xavier Raufer.


Longtemps spécialisée dans les enlèvements, la ‘Ndrangheta, que le spécialiste qualifie de "très cruelle et très sauvage", s'est engagée dans les trafics de cigarettes, de véhicules volés, de métaux recyclés et de cocaïne. "Ils ont un quasi monopole du trafic transcontinental de cocaïne, explique le criminologue. Il y a même des ambassadeurs de la ‘Ndrangheta en Colombie." Avec l'émigration calabraise vers l'Europe du Nord au cours des années 70, des cellules mafieuses se sont progressivement implantées en Italie du Nord, puis en Autriche et en Bavière, et enfin, dans les régions industrielles allemandes.
En France aussi "On sait depuis longtemps que la ‘Ndrangheta est installée en Allemagne mais jusque là, rien n'a été fait" pour y remédier, indique Xavier Raufer. Et d'avancer deux explications : "La police allemande est efficace au niveau des Lander mais au niveau national, la coopération est poussive, ce qui nuit à son efficacité. Par ailleurs, la police allemande est handicapée par le poids de son passé (la Gestapo) ;

elle n'ose pas ou n'a pas le droit d'utiliser tous les moyens dont disposent les polices des pays voisins". La ‘Ndrangheta, comme la Camorra, est également présente en France, principalement sur la Côte d'Azur mais ses activités résident davantage dans le blanchiment d'argent que dans la criminalité avec violence physique.
Reste que, selon le criminologue, "ce ‘massacre de la Saint-Valentin' n'est pas bon pour les criminels car cela attire l'attention de la police et des pouvoirs publics sur leurs activités".


"Quels que soient leurs motifs, les auteurs de la fusillade de Duisbourg vont soit se faire gravement engueuler, soit se faire éliminer car ils ont mis en péril les réseaux mafieux en Allemagne", estime-t-il, imaginant la succession "des coups de téléphone entre Palerme, Naples et la Calabre". (1) Professeur à l'Institut de criminologie de Paris, Xavier Raufer est spécialiste des mafias, notamment italiennes. Dernier ouvrage publié : La Camorra, une mafia urbaine (La Table Ronde).


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