mercredi 29 août 2007

On fait passer l'info !



Avis de recherche: qui a vu cet homme, sur son vélo, en Asie?
Par Pierre Haski (Rue89)


C'est un e-mail arrivé en forme de SOS, lié à une rencontre éphémère, il y a deux ans, dans l'extrême ouest de la Chine. L'homme qui figure sur cette photo a disparu, et sa famille le recherche. Les "riverains" de Rue89, peut-être, peuvent aider à le retrouver.
Peter Maan, c'est son nom, a disparu il y a un peu plus de trois mois au Cambodge, ses papiers et cartes de crédit trouvés et ramenés au consulat britannique, sans autre trace. Son neveu, Ashley, qui vit au Canada, m'a contacté car il a découvert, en effectuant une recherche sur Internet, le post que j'avais écrit sur son oncle en août 2005 sur mon blog "chinois", à l'époque où j'étais le correspondant de Libération à Pékin. Telle une bouteille à la mer, il m'a demandé si je savais quelque chose.
Je n'ai, évidemment, aucune nouvelle d'un homme dont j'ai simplement croisé la vie l'espace de quelques heures. Mais je me suis dit que, peut-être, par miracle, certains d'entre vous, lecteurs de Rue89, avaient pu le croiser ou l'apercevoir au détour d'une route d'Asie, et aider Ashley Maan à reconstituer l'itinéraire qui s'est mystérieusement interrompu au Cambodge. Si c'est le cas, envoyez un e-mail à contact[at]rue89.com.
J'avais rencontré Peter Maan dans un endroit exceptionnel, dans un coin reculé de l'extrême ouest de la Chine, à deux pas de la frontière pakistanaise. Nous étions dans le même hôtel, dans cette petite ville de montagne, à 3 700 mètres d'altitude, où tout fermait après 20h00. Cet homme alors agé de 61 ans, au crâne rasé, s'était approché de nous avec une bière chinoise à la main, et s'était assis. "Bonjour, je viens d'Ecosse mais je suis né en Ouganda", avait-il dit pour se présenter. Il avait visiblement envie de parler. Et, avec Bertrand Meunier, le photographe avec lequel je voyagais, nous l'avons écouté toute la soirée.

De Mohamed à Peter
Peter Maan, d'origine pakistanaise, fait partie de ces Asiatiques chassés par Idi Amin Dada dans les années 60 (si vous avez vu "Le Dernier roi d'Ecosse", vous connaissez cet épisode). Il s'est retrouvé avec sa famille en Ecosse, où il a fini ses études, et a travaillé toute sa vie dans l'industrie pétrolière, la dure vie des plateformes off-shore, trois mois au large, trois mois à terre. Avant de s'appeler Peter, cet homme est né Mohamed Achraf Hussein, mais il a changé de nom en 1964 car il en avait marre de voir son CV refusé en Angleterre à cause de son patronyme... Déjà!
A sa retraite, il y a quatre ans, Peter/Mohamed était seul. "Je me suis retrouvé devant mon poste de télévision un soir, et je me suis dit: il doit y avoir autre chose dans la vie." Il découvre le vélo. Il décide qu'il aime décidément ça, vend sa maison en Ecosse, et fait du voyage sa vie. Il roule depuis la Turquie, un visa refusé par l'Iran le fait bifurquer vers le Caucase, puis l'Asie centrale. Il a adoré le Kyrgizstan, moins le Kazakhstan et ses policiers corrompus qui l'ont racketté un maximum... Une brève incursion chinoise et il devait alors enchaîner avec trois mois au Pakistan, le pays de ses ancêtres, à la recherche d'un demi-frère aperçu lorsque celui-ci avait seulement un an!

"Il y a plus de gens bien que de gens mauvais"
Il s'était confié toute la soirée, à l'époque, et j'avais écrit sur mon blog:
"Pas toujours facile de passer des cols à 5 000 m ou de faire face aux intempéries. "Parfois j'ai mon propre dialogue avec Dieu ou Allah, vous l'appelez comme vous voulez. Quand j'ai une tempête de neige de face, je lui dis, tu peux pas faire quelque chose... Parfois, ça marche."
Peter est un humaniste, qui se réjout du spectacle du monde. "Ma conclusion: il y a plus de gens bien que de gens mauvais." A la vitesse d'un vélo et au rythme des amitiés noués sur la route, on a le temps de le constater".
Bertrand Meunier avait repéré le décor kitschissime du restaurant de l'hôtel, et avait demandé à Peter Maan s'il pouvait le prendre en photo dans ce décor. Ca a donné une photo magnifique qui a ravi Ashley lorsqu'il l'a découverte sur le blog: "Ca m'a fait du bien de voir cette photo de lui, great shot", m'a-t-il écrit. La belle serveuse tadjik du restaurant avait, elle aussi, demandé à Bertrand d'être prise en photo devant ces montagnes mythiques. Le lendemain, Peter Maan a repris son vélo, et je n'en avais plus entendu parler. Jusqu'à cet e-mail triste m'annonçant sa disparition.

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