"L'âme a la couleur du regard. L'âme bleue seule porte en elle du rêve.
elle a pris son azur aux flots et à l'espace. "
Guy de Maupassant.
Encore un amoureux du bleu !
"bleu acier, aigue-marine, bleu ardoise, azur, azuré, azurin, bleu barbeau, bleu de Berlin, bleuâtre, bleu bleuet, bleui, bleuté, cæruleum, bleu canard, bleu céleste, cérulé, céruléen, céruleum, bleu charrette, bleu charron, bleu ciel, bleu cobalt, cyan, bleu dragée, bleu électrique, bleu France, bleu givré, bleu guède, bleu Klein, lapis-lazuli, lapis, lavande, livide, bleu Majorelle, marine, bleu des mers du sud, bleu nuit, bleu outremer, bleu paon, pastel, pers, bleu pétrole, plombé, bleu de Prusse, bleu roi, bleu roy, safre, saphir, sarcelle, bleu turquin, turquoise."
Tant de mots pour tenter de décrire l'indescriptible, une couleur difficile à fabriquer et à maîtriser, mais la couleur préférée des français.
(extrait)
Le bleu ne fait pas de bruit.
C'est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l'attire à soi, l'apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu'en elle il s'enfonce et se noie sans se rendre compte de rien.
Le bleu est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l'âme après qu'elle s'est déshabillée du corps, après qu'a giclé tout le sang et que se sont vidées les viscères, les poches de toutes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de ses pensées.
Indéfiniment, le bleu s'évade.
Ce n'est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l'air. Un empilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi changeante et transparente dans la tête de l'homme que dans les cieux.
L'air que nous respirons, l'apparence de vide sur laquelle remuent nos figures, l'espace que nous traversons n'est rien d'autre que ce bleu terrestre, invisible tant il est proche et fait corps avec nous, habillant nos gestes et nos voix. Présent jusque dans la chambre, tous volets tirés et toutes lampes éteintes, insensible vêtement de notre vie.
Jean-Michel Maulpoix
© Mercure de France, 1993
Image tirée du blog : http://nathalieoso.unblog.fr/tag/art-contemporain/
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