dimanche 24 juin 2007

L'art contemporain à domicile



A Fiac, l'art contemporain est livré à domicile :


Dans ce village du Tarn, chaque année depuis huit ans, des artistes s'installent chez l'habitant pour y exposer leurs oeuvres.


Il venait de voir le salon de ses voisins, eux-mêmes vêtus de peau de bête, transformé en grotte magdalénienne pour une performance artistique intitulée Régression. Le curé marianiste du village s'est tout de suite précipité chez le directeur artistique de l'opération : «Eh ! Patrick, t'aurais pas un string à me prêter ?» C'était en 2003.

L'exposition des initiatives artistiques contemporaines de Fiac, dans le Tarn, a maintenant 8 ans d'âge.

Ces 23 et 24 juin, les dix artistes en résidence au village viendront une fois de plus révolutionner la tranquillité rurale de ses 850 habitants.


Arts divinatoires.

Cette année le «sculpteur de compétences et producteur de gestes» Eric Madeleine va installer une moitié de terrain de tennis sur le golf du village, avec un acteur et une actrice collés l'un à l'autre dans une scène baptisée «le moniteur frôleur». Il y aura aussi un sablier de 500 kilos de grains suspendu à la remorque d'un tracteur, que la peintre Christine Jacquet a installé au milieu d'images de Bouddha chez le préposé de la Poste. Dans le potager de Séverine et Christophe, sous un tipi, il y aura aussi Edwige Mandrou, qui jouera aux oracles du quotidien selon les arts divinatoires chinois... Les dix artistes sélectionnés viennent de Nantes, Toulouse, Paris ou Perpignan. C'est Patrick Tarres, le directeur artistique concepteur de l'exposition, fiacois d'adoption, qui les a «unis» aux habitants candidats à l'expérience. «Je fais en sorte que les familles hôtes ne soient pas les mêmes d'une année sur l'autre», raconte-t-il.
Depuis huit ans, 80 familles auront eu ce contact intime avec l'art contemporain. Soit un bon tiers de la population locale. A la terrasse du seul commerce du village, Patrick Tarres se réjouit : «l'art est pour tous, mais seule une élite le sait». Son souci était précisément de «mettre en contact direct les artistes et leur public, sans experts intermédiaires, sans professionnels de la diffusion».
Jean-Pierre Hue, un agriculteur retraité, a eu la chance de recevoir deux fois un résident. Il en redemande. Cette année, c'est sur ses propres deniers qu'il invite les designers Stéphanie Sagot et Emmanuelle Becquemin. Il a gardé «pour collection» l'oeuvre que Niek-Van de Steen a construit dans un de ses arbres et celle de Véronique Boudier.


Débrouille.

Selon Patrick Tarres, démonstration est faite que «l'intérêt pour l'art contemporain peut n'épargner personne». Pour l'occasion, il cite cette phrase de Robert Filliou : «L'art est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art.»
Le nom de Fiac était trop tentant et le jeu des consonances est complet avec celui de leur association : l'Afiac (l'Association fiacoise d'initiatives artistiques contemporaines). Elle distribue un cachet de 750 euros, ainsi qu'une autorisation de dépense de 450 euros pour la réalisation des oeuvres à chacun des artistes. Ces petits budgets obligent les exposants à solliciter les bonnes volontés du village.

Christophe, le directeur du golf, se débrouille seul pour trouver de quoi tracer des lignes blanches de terrain de tennis sur son green : «Il y a les gens qui vont penser que j'ai pété un plomb d'accepter, et ceux qui vont trouver le coup génial», s'enthousiasme-t-il.


Fusion.

Chaque année, cette manifestation attire deux mille visiteurs en moyenne. Quand Edwige Mandrou parle de ceux qui l'accueillent, elle dit «ma famille». Les artistes font des séjours réguliers à Fiac depuis le mois de février pour apprendre à connaître leurs hôtes avant de créer chez eux une oeuvre en harmonie avec leur cadre de vie.
Cette drôle de fusion expérimentale est depuis trois ans l'objet d'un master d'anthropologie à l'université de Toulouse-le Mirail.

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