samedi 8 mars 2008

Le baroque indien des Guaranis





Le baroque indien des Guaranis au musée de Fourvière :


ART SACRE - C'est une proposition surprenante. L'exposition au musée d'art sacré de Fourvière d'un art très méconnu. La sculpture religieuse des indiens guaranis. Un baroque chrétien mâtiné d'influences incas. Les statues et oratoires, venus du Paraguay, sont présentés depuis jeudi, et jusqu'au mois de juin. Si Christophe Collomb ne les avait pas dérangés, les Guaranis vivraient peut-être encore en semi-nomades, et adoreraient leurs propres Dieux. Mais voilà, le conquistador est venu, avec dans ses cales des franciscains, dont les traces furent suivies bientôt par des dominicains, puis des jésuites...
Le contact avec ces derniers fut un moindre mal pour les Guaranis, réduits par les pionniers en esclavage. Puis les jésuites, hostiles à cet asservissement, ont défendu une idée qui paraissait généreuse pour l''époque: les bons sauvages méritaient bien, eux aussi, de se voir apporter la bonne nouvelle. Des missions ont alors été créées, pour regrouper les évangélisés sous la protection du roi d'Espagne. Certaines sont aujourd'hui classées au patrimoine de l'Humanité. Dans ces réductions closes de murs, des maisons, des commerces et bien sûr des églises dans lesquelles les Guaranis, habiles au ciseau à bois, ont reproduit les objets religieux importés d'Europe. Statues de niches ou de procession, oratoires. Taillés dans du bois également venu d'Europe au début, puis avec une sorte de chêne local.
L'inspiration baroque a d'abord été scrupuleusement respectée, même si l'on distingue dès les premières pièces des profils busqués peu catholiques pour l'époque. Puis, progressivement, les Indiens se sont appropriés le nouvel art. Les cheveux sont devenus crépus. Les barbes des apôtres sombres et drues. Saint Jérôme en pénitence s'est retrouvé habillé d'un pagne, sous un cocotier. Un mélange baroque/indien que l'on retrouve également sur les frontons et bas reliefs décorant les chambranles des portes des missions, qu'une série de photographies présente.
Les Guaranis ont fini par s'approprier franchement les nouvelles icônes, qui remplaçaient leurs propres Dieux. Et c'est ainsi que plusieurs statues exposées au Musée de Fourvière représentent Joseph portant l'enfant Jésus dans ses bras. Posture bien maternelle pour l'Espagne à l'époque. Mais pas pour les hommes guaranis, qui s'occupaient beaucoup plus de leurs petits que les mâles européens d'alors.
Certaines des oeuvres exposées se trouvent habituellement dans un musée d'Asuncion. Les autres continuent d'orner les églises des missions. Certains fidèles ont d'ailleurs eu du mal à s'en défaire pour quelques mois, raconte Bernard Berthod, conservateur du musée de Fourvière. Elles ont été exposées dans un musée du Mans, puis à Sarrebourg, dans le cadre du festival de musique baroque, car les Guaranis se sont aussi appropriés, avec leurs propres instruments, la musique religieuse européenne de l'époque. Les statues font étape à Lyon jusqu'au 1er juin. Elle valent de grimper sur la colline, avec ou sans bouquet d'églantine.
Pour amortir le voyage, la salle du trésor abrite en ce moment le retable que Keith Harring a offert à l'église Saint-Eustache de Paris, quelques mois avant sa mort. En bronze doré à l'or blanc, superbe. Ses propriétaires l'ont prêté, mais ils ne souhaitaient pas qu'il se mêle aux diables qui se tripotent le sexe, ou ceux de leurs prochaines, dans les salles du Musée d'art contemporain. C'est donc le musée d'art sacré, ravi, qui l'héberge.
L'art des indiens guaranis. Du 5 mars au 1er juin.

Musée de Fourvière - 8, place Fourvière, Lyon 5e. Ouvert tous les jours sauf le dimanche et le lundi de Pacques, de 10h à 12h et de 14 à 17h30. 04 78 25 86 19.

Aucun commentaire: