vendredi 11 mai 2007


Hier , pendant le délicieux repas pris ensemble , nous parlions avec Palladio , de l'évolution et de la transformation de la correspondance . Plus de lettres écrites avec soin en prenant son temps ou griffonnées sur un coin de table ,plus d'enveloppes choisies pour leur originalité ni de timbres joliment ornés , plus de délai d'acheminement ni d'attente fébrile..

Internet et les divers modes de communication ont rayé la correspondance personnelle de notre monde quotidien ! Seuls arrivent les courriers officiels ou professionnels !

Les historiens usaient et abusaient de ces courriers célèbres ou anonymes pour reconstituer une époque..Que leur restera t'il pour évoquer la nôtre ? Des images ? Des sons ?

Cher Palladio , j'ai retrouvé une lettre parmi les textes soigneusement engrangés :


Gustave Flaubert à Elisa Schlésinger
(Le 5 octobre 1872)


Croisset Samedi 5 octobre


Ma vieille amie, ma vieille tendresse, je ne peux pas voir votre écriture, sans être remué ! Aussi, ce matin j’ai déchiré avidement l’enveloppe de votre lettre, je croyais qu’elle m’annonçait votre visite. Hélas, non ! ce sera pour quand ? pour l’année prochaine ? J’aimerais tant à vous recevoir chez moi, à vous faire coucher dans la chambre de ma mère. Ce n’était pas pour ma santé que j’ai été à Luchon. Mais pour celle de ma nièce, son mari étant retenu à Dieppe pour ses affaires. J’en suis revenu au commencement d’août. J’ai passé tout le mois d’octobre à Paris. J’y retournerais une quinzaine au commencement de décembre pour faire faire le buste de ma mère. Puis je reviendrais ici le plus longtemps possible. C’est dans la solitude que je me trouve le mieux ! Paris n’est plus Paris. Tous mes amis sont morts. Ceux qui restent comptent peu ! ou bien sont totalement changés que je ne les reconnais plus. Ici, au moins rien ne m’agace. Rien ne m’afflige directement. L’esprit public me dégoûte tellement que je m’en écarte. Je continue à écrire. Mais je ne veux plus publier. Jusqu’à des temps meilleurs, du moins. On m’a donné un chien je me promène avec lui en regardant l’effet du soleil sur les feuilles qui jaunissent – et comme un vieux, je rêve sur le passé – car je suis un vieux. L’avenir pour moi n’a plus de rêves. Mais les jours d’autrefois se représentent comme baignés dans une vapeur d’or. Sur ce fond lumineux où de chers fantômes me tendent les bras, la figure qui se détache le plus splendidement c’est la vôtre ! Oui la vôtre. Ô pauvre Trouville ! C’est à moi, dans nos partages, que Deauville est échu. Mais il me faut le vendre pour me faire des rentes. Comment va votre fils ? Est-il heureux ? Écrivons nous de temps à autres, ne serait ce qu’un mot, pour savoir que nous vivons encore. Adieu & toujours à vous G.

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