mardi 15 mai 2007

1789 , le premier journal féminin



1789 , le premier journal féminin


A l'heure des Etats Généraux :


Même les célèbres Olympe de Gouges (bientôt panthéonisée ?) ou Théroigne de Méricourt sont postérieures à Marie de Vuigneras… Cette Charentaise du petit village de Charras part au combat dès le printemps 1789. Sous la pression du Tiers-État (1), Louis XVI finit par accepter que des Etats Généraux (l’ancêtre de nos débats participatifs…) se tiennent aux quatre coins du pays pour recevoir les doléances du peuple.


Le despotisme marital


Mme Vuigneras se bat tout d’abord pour l’admission des femmes à ces Etats Généraux. "Inconcevable et ridiculement prétentieux" lui rétorque la baronnie charentaise. Marie rédige alors un "cahier des doléances des femmes de la Charente" où elle expose la situation des femmes en cette fin du XVIIIe siècle : "Le despotisme marital, autant despote envers les femmes que l’est celui de l’aristocratie envers les peuples doit disparaître".


Les dames des Halles et des Faubourgs

Fort d'un petit succès local, Marie de Vuigneras monte à Paris, tenter l’aventure du journal. C’est la mode alors. Elle est encouragée par les journées des 5 et 6 octobre 1789 où les femmes montent en première ligne dans le combat révolutionnaire. Les dames des Halles et des Faubourgs, exaspérées par la pénurie de pain, exigent que le Roi ratifie la nouvelle Constitution et confirme l’abolition des privilèges, décidé deux mois plus tôt par l’Assemblée nationale. Le 5 octobre, plus de 7 000 parisiennes partent à Versailles, hurler sous les fenêtres de la famille royale : "A Paris, à Paris". Devant la menace, Louis XVI cède immédiatement. Il accepte la Constitution et la famille royale quitte sur le champ Versailles pour s’installer définitivement aux Tuileries.


Les Etrennes nationales des dames

Profitant du succès de cette manifestation qu’elle pense d’inspiration féministe, Marie de Vuigneras fonde, le 30 novembre 1789, le premier journal résolument du côté des femmes : Les Etrennes nationales des dames.L’audace de ce tri-hebdomadaire impressionne. En 1789, une femme ose réclamer le divorce (qui ne sera finalement accordé qu’un siècle plus tard) et son propre plaisir. Les hommes, tout révolutionnaires qu’ils soient, ont bien ri…


Le fruit n’est pas encore mûr.

Après six mois d’une parution laborieuse, ce précurseur doit jeter l’éponge et Marie rejoindra sa Charente natale. Clubs interdits, Olympe guillotinée En octobre 1793, le Comité de Salut public, sous la houlette de Robespierre interdit les clubs féminins et l’exercice des droits politiques pour les femmes. Un mois plus tard, Olympe de Gouges, auteure de "La déclaration des droits de la femme" est guillotinée, Théroigne de Méricourt est envoyée en asile psychiatrique, et Condorcet qui a écrit un admirable pamphlet, "Sur l’admission des femmes au droit de cité" meurt, lui, en prison.Et les choses ne vont pas s’arranger avec le Code civil napoléonien qui place la femme sous la domination du chef de famille…

et le premier aticle de ce journal :


Etrennes nationales des dames
N°1 – 30 novembre 1789

Les Gauloises jadis…

J’étais persuadée, ô mon sexe, de ton incapacité et de ta faiblesse ; je ne te croyais capable dans la classe inférieure ou indigente que de filer, coudre ou vaquer aux soins du ménage, dans un rang plus distingué, le chant, la danse, la musique et le jeu me semblaient devoir être tes occupations essentielles. Je n’avais pas assez d’expérience pour discerner que tous ces exercices sont au contraire autant d’obstacles au développement du génie.Les Gauloises jadis ranimaient au combat le courage chancelant de leurs guerriers. Le 5 octobre dernier, les Parisiennes ont prouvé aux hommes qu’elles étaient pour le moins aussi brave qu’eux, et aussi entreprenantes. L’histoire et cette grande journée m’ont déterminés à vous faire une motion très importante pour l’honneur de notre sexe. Séduction des charmes et pouvoir de l'esprit Remettons les hommes dans leur chemin, et ne souffrons pas qu’avec leurs systèmes d’égalité et de liberté, avec leurs déclarations de droits, ils nous laissent dans l’état d’infériorité ; disons vrai, d’esclavage, dans lequel ils nous retiennent depuis si longtemps.Je suis si convaincue de la justice de notre cause, que si vous daignez me seconder de la séduction de vos charmes et du pouvoir de votre esprit, nous dicterons à nos adversaires, les hommes, la capitulation la plus honorable pour notre sexe. Je leur dirais… S’il se trouvait quelques maris assez aristocrates, dans leurs ménages, pour s’opposer au partage des devoirs et des honneurs patriotiques que nous réclamons, nous nous servirions contre eux des armes qu’ils ont employées avec tant de succès. Je leur dirais : "Vous avez vaincu, en faisant connaître au peuple sa force, en lui demandant si 23 400 000 âmes devaient être soumises aux volontés et aux caprices de 100 000 familles brevetées par la tolérance et l’opinion. Dans cette masse énorme d’opprimés, n’y a-t-il pas au moins la moitié du sexe féminin ? Et cette moitié doit-elle être exclue, à mérite égal, du gouvernement que nous avons retiré à nos enfants qui en abusaient". (…)


Votre humble troubadour


Pour opérer cette révolution, donnons à la raison pour aides de camp, les grâces, les ris (1), les jeux, la frivolité, la mode même. Je serai volontiers le Journaliste de la Générale (2) et de la cour. L’Assemblée nationale a des Vates dans son sein ; les Aristocrates ont leur teinturier à cocarde noire. Eh ! pourquoi pas, puisque les enfers ont leur chapelain. Enfin…. Est-il si mince cotterie, Qui n’ait son bel esprit, son plaisant, son génie ?Or, puisque tout le monde s’avise d’avoir un prosateur à ses ordres, je serai, mes chères concitoyennes, votre humble troubadour. Un M. profond, qui travaille pour une machine qui a bien de la peine à se monter, m’a proposé de s’unir à mes travaux : mais semblables aux aristocrates, qui ont tant de peine à oublier leur nom pour être quelque chose, ce M. profond m’a dégoûtée par ses profondément étonné, indigné, pénétré. Au contraire des journalistes qui habitent les faîtes (3), il semble qu’il ait choisi un puits pour laboratoire. Hélas ! la vérité y est toujours cachée.


J’aime les fresques plaisantes


Moi, femme dans toute la force du terme, j’aime les fresques plaisantes. Aussi, les matières les plus graves seront plaquées avec les traits les plus burlesques. J’espère que cette mosaïque ne déplaira pas aux hommes qu’il faut faire rire. Les malheureux ! Ils n’ont pas ri depuis longtemps. Je laisserai aux folliculaires mâles, l’art ennuyeux de découper, comme des chenilles, le vers naissant de l’arbre national. Faisons-en plutôt un mai (4) fleuri, couvert de rubans, de guirlandes et de fruits. Ne touchons point à ces laboratoires, où avec une mixtion de charbon, d’encre et de papier, on rêve à la pierre philosophale : nous distillerons des parfums, des essences. Voilà le coloris des Etrennes nationales des Dames.Si vous daignez m’aider dans mon projet de restauration, que d’avantages, Mesdames et mesdemoiselles, n’en retirez-vous pas ?

"Il faut toujours que la femme commande, c’est-là son goût.", Conte de Gertrude…


La femme est à l’homme égale en droits, et en plaisirs


Or, vous serez maîtresses à la maison, si vous pouvez l’être sur la place publique. Pendant que vous serez au camp, un grand nombre de vos maris fileront comme Hercule, ou se coucheront comme des Caraïbes. En matière de séparation ou de divorce, vous rendrez justice à vos concitoyennes ; et, dans le ménage même, vous prouverez aux volages et aux ingrats que la femme est à l’homme égale en droits, et vous prouverez, égale en plaisirs.
Marie de Vuigneras
Extrait du site femmesplus

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci ma belle quinqua..pour cette somptueuse envolée pour la considération féminine..
Vive Maire de Vuigneras et
à mort Pierre Joseph Proudhon...
Vive nous les Femmes, les vraies toutes entières dans notre féminité et plénitude ( de l'âge)...
A +++
Asminette la sexy -génaire

Anonyme a dit…

Bonjour à toutes (et tous ?),

En tant que gazettophile charentaise, je suis très intéressée par cet article.
J'essaie de monter une expo sur les images des mouvements féministes à travers la presse, et je m'intéresse donc, bien sûr, aux journaux féministes.
Or, je n'ai trouvé aucune référence ou citation pour celui-là.
Quelqu'un sait-il où on peut en voir un ? quelles sont les sources qui ont servi pour écrire cet article ?
Merci à tous ceux qui pourraient me donner des infos à ce sujet.
Sylvie la Charentaise